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Un acte médical remis en question

PAR ME BENJAMIN POIRIER
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DROIT DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉ CIVILE MICHAUD LEBEL
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Le cheval quarter horse était dans sa famille depuis 18 ans lorsqu’il a dû être euthanasié suivant des complications à un traitement d’acupuncture effectué par une vétérinaire.

Le 26 avril 2019, la vétérinaire se rend à l’écurie pour administrer un traitement d’acupuncture, un vaccin, le test coggins et un traitement dit de « tapping ». Plus tard dans la journée, la propriétaire de l’animal est informée par son conjoint du fait que la croupe du cheval est enflée. La journée même ou le lendemain, selon les versions contradictoires des témoignages, la vétérinaire prescrit de la pénicilline intramusculaire et l’application de glace pendant quinze minutes, toutes les deux heures. La vétérinaire prend des photographies du cheval.

Aucune amélioration significative n’est notée et la vétérinaire recommande de continuer les injections de pénicilline et les compresses de glace. Encore une fois, les versions divergent quant à la séquence des événements. Éventuellement, une échographie est réalisée. Le cheval demeure souffrant et le transport à l’Hôpital vétérinaire de Saint-Hyacinthe est recommandé. Le lendemain de son admission à l’hôpital, l’état de l’animal se dégrade et ses souffrances ne sont pas allégées. La seule option envisagée par l’hôpital propose des traitements très douloureux. La propriétaire prend la décision, toujours difficile dans ces circonstances, d’euthanasier son cheval âgé de 21 ans.

La propriétaire a saisi le tribunal, étant d’avis que la vétérinaire a commis des fautes qui ont précipité prématurément son cheval vers la mort.

En cas de responsabilité professionnelle, trois éléments doivent être prouvés : 1) la faute ou les fautes du vétérinaire ; 2) les dommages financiers ou la perte​ de jouissance ; et 3) le lien direct et immédiat entre la faute et les dommages.

Il est toujours un peu mal aisé d’attribuer une valeur monétaire à la perte d’un cheval, puisque bien souvent aucune somme d’argent ne remplacera
l’attachement émotif et le lien affectif bâtis sur plusieurs années. Néanmoins, un tribunal civil comme la Division des petites créances de la Cour du Québec ne peut qu’ordonner à la personne fautive de payer une somme d’argent à la victime en guise de réparation.

​Dans le présent cas, la propriétaire réclamait une somme totale de 14 928,80 $, dont une valeur de 8 500 $ attribuée à son cheval, les frais d’entraînement d’un jeune cheval de remplacement (une valeur de 1 200 $), un montant de 2 000 $ pour la perte de jouissance de son cheval pendant trois ans et des dommages moraux de l’ordre de 2 000 $ en compensation du problème d’attachement et du manque de confiance envers le nouveau cheval, entre autres choses.

La Cour ayant rejeté le recours de la propriétaire, aucun jugement n’a été porté sur le bien-fondé des montants réclamés, tant leur nature que la quotité.

Pour notre part, nous sommes d’avis que les frais d’entraînement d’un jeune cheval de remplacement ne sont pas des frais directs et immédiats découlant de la faute de la vétérinaire. Il est vrai que la propriétaire n’aurait pas engagé ces frais, n’eut été la mort de son cheval. Par contre, l’entraînement accroît la valeur du jeune cheval au seul bénéfice de la propriétaire. Quant à la perte de jouissance du cheval et aux dommages moraux, ils peuvent être réclamés, mais se confondent, du point de vue du droit, en un seul poste de réclamation. Il y aurait donc un doublon à cet égard et un seul montant aurait vraisemblablement été accordé. Finalement, le problème d’attachement et le manque de confiance avec le nouveau cheval, même s’ils sont réels et vécus difficilement par la victime, ne découlent pas directement et immédiatement d’une faute de la vétérinaire, si faute il y a.

​Quant à l’analyse de la responsabilité de la vétérinaire, la faute au niveau médical serait l’absence de désinfection du dos du cheval à l’alcool avant de prodiguer le traitement d’acupuncture. L’injection aurait fait entrer la bactérie clostridium dans l’organisme du cheval. Sur ce point, la Cour est confrontée à deux thèses médicales contradictoires quant à la nécessité de désinfecter à l’alcool, ou non.
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La propriétaire a soumis à la Cour des articles provenant de publications médicales sur l’importance de la désinfection et de la préparation antiseptique de la surface de la peau avant une injection. Elle a soumis également la déclaration écrite d’un vétérinaire préconisant une désinfection préalable à l’alcool dans la région de l’injection. Une fois entrée dans l’organisme, la bactérie attaquerait l’espérance de vie du cheval dans les 48 heures :
[15] Elle dépose également une déclaration pour valoir témoignage du Dr […] qui indique
qu’en sa qualité de vétérinaire depuis 30 ans, il préconise une très bonne désinfection avec
de l’alcool des régions où on doit injecter un cheval pour minimiser les chances d’introduire
la bactérie clostridium, laquelle laisse une très courte espérance de vie au cheval
(environ 48 heures) si elle n’est pas traitée rapidement.
De son côté, la vétérinaire a fait témoigner deux collègues vétérinaires qui sont d’avis qu’il n’y a eu aucune faute commise. Le traitement à la pénicilline et l’échographie étaient appropriés dans les circonstances.

Selon le premier vétérinaire entendu, la bactérie clostridium serait déjà présente dans les muscles en dormance. Il n’y aurait pas de risque zéro, même avec une préparation méticuleuse de la surface de la peau à injecter.

Selon la deuxième vétérinaire, la désinfection à l’alcool de la surface cutanée à injecter serait même contre indiquée :

[19] Elle indique spécifiquement que dans le cas d’un traitement d’acupuncture, il est recommandé
de ne pas utiliser d’alcool avant le traitement, entre autres parce que l’application d’alcool a pour effet
d’introduire les aiguilles 
dans un milieu humide, qui peuvent amener des bactéries qui se trouvent à
l’extérieur à 
l’intérieur du corps de l’animal. Par ailleurs, l’alcool qui pourrait se retrouver dans les tissus
serait très irritant.
Quant à la vétérinaire qui a procédé au traitement d’acupuncture, elle est d’avis que la bactérie clostridium est résistante à l’alcool, mais il y a plus. L’aiguille risquerait de faire entrer l’alcool à l’intérieur des tissus.

Le rapport de nécropsie, quant à lui, conclut qu’il est impossible de déterminer si la bactérie était présente dans le corps de l’animal ou si elle est due à l’injection.

Donc, la propriétaire, demanderesse en cette cause, n’a pas réussi à établir le lien direct et immédiat entre l’injection et la présence de la bactérie clostridium. Le lien de causalité n’étant pas démontré, la propriétaire doit supporter les conséquences du doute qui subsiste. Puisque c’était son fardeau de preuve qui n’est pas rencontré, la Cour rejette son argument sur ce point.

L’autre faute alléguée par la propriétaire contre la vétérinaire est son temps de réaction. Tel que déjà mentionné, les témoignages divergent. La propriétaire témoigne que la vétérinaire a été lente à réagir suivant le premier indice d’enflure du cheval. Des traitements plus rapides auraient sauvé la vie de son cheval, selon elle. Au soutien de sa prétention, la propriétaire soumet ses notes manuscrites prises au moment des événements. Elle affirme, du même coup, que la vétérinaire aurait falsifié les documents déposés à la Cour, à savoir les dates et heures des comptes d’honoraires, la date sur les photographies du cheval et l’agenda de la clinique, pour leur donner une date plus hâtive dans la séquence des événements. La Cour n’est pas de cet avis.

Ce qu’il faut retenir de cette décision, en matière de droit, est qu’un vétérinaire a l’obligation professionnelle de déployer tous les efforts et moyens raisonnables, dans les circonstances et selon les informations connues au moment des faits, pour guérir le cheval. Le vétérinaire n’a pas l’obligation d’atteindre le résultat souhaité. La Cour est d’avis que, bien que dramatique et regrettable, la mort du cheval était inévitable dans les circonstances précises du déroulement des événements.

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