NUTRITION
Alimentation du poulain - 2e partie
du sevrage à l'âge adulte
PAR JOSÉE LALONDE, AGR, MA
Pour faire suite à l’article sur la nutrition du poulain non sevré paru dans l’édition précédente de votre magazine, voyons de quelle façon le programme alimentaire du jeune doit évoluer durant sa croissance jusqu’à deux ans.
Une attention extrêmement rigoureuse doit être accordée au programme alimentaire du poulain sevré jusqu’à 24 mois, une période cruciale pour la formation des os. Du sevrage jusqu’à 1 an, la demande nutritionnelle du jeune est d’ailleurs considérée comme la plus exigeante de sa vie. Aussi, jusqu’à deux ans, la masse musculaire se développe graduellement et à 12 mois, le poulain atteint déjà 90 % de sa taille adulte. Servir une quantité d’énergie et de nutriments adéquate entre le sevrage et deux ans est essentiel pour que le poulain croisse sainement et atteigne son plein potentiel génétique. Privilégier une croissance « optimale » et non « maximale » Il n’y a pas si longtemps, les éleveurs alimentaient les poulains de manière à atteindre une croissance maximale plutôt qu’optimale. À l’époque, les poulains bien enrobés avaient la cote, mais, malheureusement, la masse osseuse en croissance n’ayant pas la capacité de supporter une prise de poids rapide ou en dents de scie, ils présentaient souvent des signes d’ostéochondrose et d’OCD. Pas surprenant quand on sait que les poulains atteignent 90 % de leur taille adulte à un an, mais seulement 70 % de la densité de leur masse osseuse. Il est fréquent de voir les troubles ostéoarticulaires se manifester lorsque le jeune cheval commence l’entraînement, mais, souvent, ils sont présents bien avant, entre l’âge de 3 et 10 mois. Ne croyez pas que votre cheval sera de plus petite taille si vous visez pour lui une croissance stable et modérée. En fonction du poids estimé de votre cheval une fois adulte, le gain de poids moyen quotidien (GMQ) durant la croissance varie de 0,28 à 0,4 % pour un poulain sevré jusqu’à 12 mois (weanling) et de 0,15 à 0,2 % pour un poulain de 12 mois et plus (yearling). Un suivi du GMQ par des pesées régulières est essentiel, surtout avant l’âge de 18 mois, car il permet d’évaluer la croissance et d’apporter les changements nécessaires en fonction de l’évolution des besoins du jeune et de son état de santé. À défaut d’utiliser une balance électronique pour peser votre poulain (plutôt rare dans les écuries !), utilisez un ruban à mesurer (en po). Deux données sont nécessaires : le périmètre thoracique (passage de sangle) et la longueur entre la pointe de l’épaule et la pointe de la croupe. Pour plus de constance, la personne qui mesure le GMQ devrait toujours être la même. Voici les équations qui permettent d’estimer le poids corporel d’un poulain selon son stade de croissance :
Jusqu’à 24 mois, le dernier tiers des côtes du jeune doivent être visibles, un état qui correspond à une cote de chair de 4,5 sur 9 (échelle de mesure de Henneke). Si vous ne percevez pas le profil des dernières côtes de votre poulain ou, pire, si vous les sentez difficilement à la palpation, il est trop gras, preuve d’un apport excessif en énergie. À contrario, un manque d’énergie dans sa ration, caractérisé par un état de chair déficient, n’est pas plus souhaitable, car cela ralentit la croissance et expose votre poulain à certaines carences nutritionnelles. Des nutriments essentiels à la croissance Une fois leurs besoins énergétiques et nutritionnels de base comblés, les poulains utilisent l’excédent de nutriments pour la croissance. Puisque le rythme de croissance ralentit après 12 mois, les besoins nutritionnels du yearling sont moindres et il n’a pas besoin d’une ration aussi concentrée que celle du weanling. En plus de l’énergie, la protéine et les minéraux sont les nutriments les plus importants à considérer dans l’élaboration d’un programme alimentaire pour poulain. L’apport en vitamines, entre autres en vitamine E, un puissant antioxydant, ne doit pas non plus être négligé. La protéine joue un rôle central dans le développement des tissus, dont les muscles et les ligaments, et le jeune doit en consommer suffisamment tout au long de sa croissance. La qualité de la protéine, qui se mesure par son profil d’acides aminés essentiels, est primordiale. La recherche a démontré qu’une ration alimentaire faible en lysine et en thréonine, des acides aminés essentiels, se traduit par une perte d’efficacité nutritionnelle et ralentit par le fait même le rythme de croissance des poulains. La diète globale du weanling devrait lui fournir 14 à 16 % de protéine de qualité, alors que celle du yearling devrait lui en fournir 12 à 14 %. Le programme alimentaire des jeunes chevaux, encore plus celui des weanlings, exige une importante quantité de minéraux, particulièrement ceux impliqués dans le développement des os et du cartilage (calcium, phosphore, cuivre, zinc, manganèse). La quantité de minéraux apportée doit bien sûr répondre aux besoins du poulain selon son stade de croissance, mais comme plusieurs des minéraux interagissent entre eux, l’apport de l’un par rapport à un autre se doit aussi d’être adéquat et donc équilibré. C’est le cas du calcium et du phosphore, pour lesquels le ratio recherché dans la diète est de 1,1 à 3 pour 1, ainsi que du zinc et du cuivre, pour lesquels on vise un ratio de 2 à 4 pour 1. Un agronome spécialisé en nutrition équine connait les besoins particuliers des jeunes chevaux et, en tenant compte de tous les aliments de la ration (l’analyse du foin servi est essentielle), saura vous aider à établir un programme complet et équilibré. Il en profitera également pour optimiser la ration en vitamine E et, surtout, en sélénium, deux nutriments extrêmement importants dans le soutien de la réponse immunitaire. Au sujet de l’apport en sélénium de la ration, il est fortement recommandé de combler les besoins supérieurs des poulains à ce niveau, soit 3 mg/j. Fourrages, concentrés et suppléments Dû à un microbiote intestinal peu développé, le jeune cheval n’a pas encore la capacité de digérer et fermenter la fibre des fourrages de manière optimale. Pour cette raison, le foin servi doit être de grande qualité. Dû à sa teneur plus élevée en protéine et en minéraux, un foin constitué de graminées et de luzerne est recommandé, autant pour le weanling que le yearling. Même si le foin doit être servi à volonté au poulain, il suffit rarement au maintien d’un état de chair convenable, surtout chez le jeune de moins de 14-15 mois. L’ajout de concentrés est donc le plus souvent nécessaire pour apporter au poulain suffisamment d’énergie (calories). En fonction de la qualité du foin servi, certains jeunes chevaux, selon leur race et leur métabolisme, peuvent même nécessiter jusqu’à 40 % de leur diète en concentrés, voire plus ; l’apport quotidien en concentrés ne doit toutefois jamais dépasser 50 % de la ration, l’autre 50 % provenant évidemment des fourrages. Les concentrés, tout comme le foin, doivent être de grande qualité, et leur formulation doit permettre de répondre spécifiquement aux besoins des stades de croissance ; des aliments commerciaux sont disponibles sur le marché pour répondre aux besoins nutritionnels du weanling, alors que d’autres sont conçus plus précisément pour les besoins du yearling. Il est important de choisir des aliments hautement digestibles, par exemple des moulées extrudées, riches en protéine de qualité et réduites en hydrates de carbone non structuraux (sucres et amidon). Attention aux grains (avoine, orge, maïs) et moulées riches en glucides, car la réponse glycémique élevée qui s’ensuit à la suite de leur ingestion a été liée à la pathogénèse des problèmes articulaires de croissance. Pour les jeunes chevaux qui maintiennent une belle cote de chair sans moulée ou encore avec une faible quantité de moulée par jour, un supplément de vitamines et minéraux riche en protéine et en acides aminés essentiels doit absolument être servi. Du sel non iodé, qu’il soit servi à volonté sous forme de bloc ou de fins granules ajoutés aux repas, doit également faire partie du programme alimentaire quotidien. Le mot de la fin L’alimentation du jeune en croissance est nettement plus complexe que celle de l’adulte et toute carence nutritionnelle peut avoir des conséquences sur sa vie future. Il est important de suivre de près chaque poulain et de le nourrir en fonction de ses besoins individuels selon son stade de vie, tout en gardant en tête les demandes élevées en énergie, protéine et minéraux. Peser le jeune et évaluer sa condition de chair toutes les semaines, faire en sorte qu’il se développe de façon stable et régulière et lui servir des aliments de qualité adaptés à ses besoins sont les clés du succès. Lui permettre de faire de l’exercice tous les jours, idéalement avec des chevaux de son âge, est également primordial et pourrait même aider à compenser certaines petites lacunes dans le programme alimentaire, des études ayant démontré l’impact positif de l’exercice sur la formation d’os plus forts et résistants. Le confinement des jeunes chevaux est à proscrire et ne doit avoir lieu que sur recommandation vétérinaire. Écrit en collaboration avec Blue Seal Feeds. Références : Wilson, K.R. et al., 2005. Body weight estimation methods as influenced by condition score, balance score and exercise in horses. Proceedings Equine Science Society. P. 57 à 62. |
D’un point de vue nutritionnel, les troubles ostéoarticulaires sont causés le plus souvent par un excès énergétique, un rythme de croissance inégal ou un apport insuffisant ou déséquilibré en minéraux majeurs. Et contrairement à une croyance populaire qui persiste encore aujourd’hui, une ration alimentaire élevée en protéine n’a pas d’incidence sur le développement de ce type d’affections. |