Le botulisme : votre cheval est-il à risque ?
ANGIE BEAUDET
Bien que cette maladie neuromusculaire soit plutôt rare, le botulisme entraine des conséquences dévastatrices, et généralement mortelles, chez le cheval. Déclenchée par une neurotoxine produite par la bactérie Clostridium botulinum, laquelle a un effet paralytique sur l’animal, elle compte parmi l’une des bactéries les plus toxiques au monde.
Elle peut également affecter plusieurs autres espèces animales, mais les chevaux y sont particulièrement sensibles – 1 mg de la toxine étant suffisant pour tuer un cheval de 1 200 livres, et une cuillère à thé étant suffisante pour en tuer 5 000 ! Les propriétaires de chevaux valorisent la santé et le bien-être des équidés qui occupent une place de choix dans leur vie, raison pour laquelle il est d’importance primordiale de ne pas négliger les facteurs de risque du botulisme. Un grand nombre de cas peuvent être évités en connaissant les causes et en adoptant une gestion appropriée des risques, voici donc ce qu’il faut savoir concernant cette maladie : LA BACTÉRIE CLOSTRIDIUM BOTULINUM Le botulisme est causé par la bactérie Clostridium botulinum, un micro-organisme couramment retrouvé dans la nature et l’environnement, notamment dans le sol et les carcasses d’animaux morts. Une bactérie à Gram positif qui est sensible à l’air, elle se multiplie uniquement dans un milieu humide et privé d’oxygène (milieu anaérobique). C’est à ce moment qu’elle produit une neurotoxine qui empêche l’influx nerveux de se rendre aux muscles et entraine la paralysie générale de l’animal. SYMPTÔMES ET PROGRESSION DE LA MALADIE Les premiers signes de botulisme incluent généralement une difficulté à s’alimenter normalement. L’effet paralytique de la toxine affectant la capacité à avaler, les chevaux atteints mangent très lentement et présentent souvent des sécrétions verdâtres de salive et d’aliments par la bouche et les narines. La langue devient pendante, le cheval étant incapable de la rétracter normalement. Une paralysie flasque s’étend ensuite au système musculaire complet ; le cheval présente alors de la faiblesse et des tremblements musculaires, une démarche atypique (trébuchant parfois ou marchant par petites foulées qui donnent l’apparence de raideur), pour finalement devenir incapable de se maintenir en position debout. De façon générale, on observe également un relâchement de la queue, qui perd son tonus. En phase terminale, le cheval reste en décubitus au sol, incapable de bouger ou de se relever. Le cheval finit par mourir de la paralysie de ses muscles pulmonaires et cardiaques, quelques heures ou quelques jours suivant l’apparition de signes cliniques. UNE MALADIE ASSOCIÉE AUX BALLES RONDES ? Chez le cheval, le mode de transmission la plus fréquente est l’ingestion de la neurotoxine dans un fourrage contaminé. Quoique les balles rondes d’ensilage posent définitivement un risque particulièrement élevé, les balles rondes sèches (avec ou sans enrobage de plastique) posent également un risque important. Cependant, TOUTE FORME DE FOIN PEUT CONTENIR LA TOXINE, même les petites balles carrées. Alors pourquoi les balles rondes sont-elles plus dangereuses ? Premièrement, les petites balles sont généralement entreposées à l’intérieur, au sec et à l’abri des éléments dans un endroit bien ventilé. Elles contiennent un niveau d’humidité moins élevé et offrent la possibilité de trier les galettes ou les sections moisies, afin qu’elles ne soient jamais servies aux chevaux. Les balles rondes, en revanche, fournissent le milieu idéal pour la prolifération de la bactérie C. botulinum et il est pratiquement impossible de retirer les sections douteuses – on se fie généralement sur les chevaux pour faire ce tri eux-mêmes. De plus, leur taille surdimensionnée, en comparaison aux petites balles carrées, favorise le développement de la toxine au centre de celles-ci – un milieu humide et dépourvu d’oxygène. Lorsque les balles sont entreposées à l’extérieur, directement sur le sol et exposées à la pluie et à l’humidité, la qualité du foin se détériore, favorisant d’avantage la création d’une neurotoxine mortelle. L’ensilage accentue énormément le risque d’intoxication, l’enrobage plastique générant le milieu anaérobique humide parfaitement adapté à la croissance des spores de C. botulinum, lesquels sont résistants à la chaleur. Ce microclimat engendre alors une fermentation, laquelle fait diminuer le pH de la balle afin d’obtenir la préservation de celle-ci. Toutefois, dans bien des cas, le pH demeure trop élevé (>4.5) pour détruire la bactérie. Lorsque l’enrobage plastique est percé, ce qui empêche la fermentation correcte du foin, les risques sont encore plus élevés. La présence de terre ou de carcasses de petits mammifères, qui est plus fréquente dans les balles rondes, contribue également au danger d’intoxication. La bactérie C. botulinum, responsable de la neurotoxine botulique, prospère à
l’intérieur du climat anaérobique humide au centre des balles de foin. Le risque
de botulisme est particulièrement élevé lorsqu’il s’agit de balles d’ensilage ainsi
que les balles rondes sèches, avec ou sans enrobage de plastique.
AUTRES MODES DE TRANSMISSION
D’autres aliments, tels que la moulée et l’eau, peuvent plus rarement être une source de contamination. Tout comme le foin, il est important de choisir des aliments de qualité, de s’assurer qu’ils soient bien entreposés, exempts de moisissures et de carcasses de petits mammifères ou d’oiseaux morts. Le botulisme peut également se développer suite à une infection (plaie, castration, chirurgie, etc.). Cette voie de transmission est plus inhabituelle qu’une intoxication alimentaire, mais mérite tout de même notre attention, en s’assurant d’une bonne gestion des plaies afin de prévenir l’infection. Chez les jeunes poulains, l’exploration et l’ingestion de terre peuvent mener au développement du botulisme toxico infectieux, souvent nommé en anglais « shaker foal syndrome ». Caractérisée par des tremblements musculaires, cette forme de botulisme est quelque peu différente, car la bactérie se développe à l’intérieur du poulain (souvent dans les tissus intestinaux) et libère les neurotoxines directement à l’intérieur de ce dernier. Les ulcères gastriques, les abcès du nombril ou des poumons, les plaies, ainsi que les lésions à l’intérieur du tube digestif, sont tous des facteurs de risque. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENTS La méthode utilisée afin de poser un diagnostic s’appuie généralement sur la présence de signes cliniques ainsi que l’élimination de la possibilité de maladies neuromusculaires autres que le botulisme. Par exemple, de la difficulté et de la lenteur à ingérer une portion de moulée ainsi que l’incapacité à rétracter la langue lorsqu’étirée sont des signes souvent observés lors de l’évaluation primaire. Lorsque le botulisme est suspecté, la rapidité d’intervention constitue la meilleure chance de survie pour l’animal. L’administration d’une antitoxine botulinique le plus tôt possible ainsi qu’une hospitalisation sont essentielles afin de maximiser les chances de survie. Lors de son séjour, le cheval est usuellement confiné au boxe afin de réduire l’activité musculaire. L’utilisation d’atèles pourrait également s’avérer nécessaire si le cheval a de la difficulté à se lever et à se maintenir debout. Ne pouvant pas être traitée par voie d’antibiotiques (c’est la toxine qui cause la maladie et non la bactérie elle-même), un support nutritionnel et hydrique est utilisé afin d’aider le cheval à récupérer. Malheureusement, puisque la maladie progresse très rapidement, il est souvent trop tard pour réussir à réchapper un cheval, sans compter que les frais d’une hospitalisation s’avèrent très élevés. Le taux de survie est encore plus mince lorsque le cheval est en décubitus et ne réussit plus à se maintenir debout. L’intervention d’un vétérinaire dès l’apparition des premiers symptômes s’avère alors le facteur le plus important pour la survie de l’animal. PRÉVENTION ET VACCINATION Mettre les efforts sur la prévention en choisissant des fourrages de qualité est la meilleure protection contre le botulisme. Dans la mesure du possible, choisir de petites balles carrées de qualité plutôt que des balles rondes diminue considérablement le risque et devrait faire partie des priorités à viser afin de contourner les risques d’intoxication. L’entreposage du foin joue également un rôle important dans le développement de la bactérie. Le foin devrait toujours être conservé dans un endroit sec et bien ventilé, à l’abri des éléments. Il est inacceptable de conserver des balles rondes (sans enrobage plastique) à l’extérieur ou directement sur le sol. Pour les chevaux dont la seule option est de nourrir aux balles rondes (ensilage ou sèches), la vaccination contre le botulisme est fortement recommandée. Le vaccin doit être administré en trois doses consécutives sur trois mois, avec un rappel annuel par la suite, et offre une certaine protection contre la maladie. Bien que le nombre exact de mortalités chevalines annuelles attribuées à cette maladie ne soit pas connu (le botulisme ne fait pas partie des maladies à déclaration obligatoire), les conséquences mortelles, quant à elles, sont très bien répertoriées et ne sont surtout pas à minimaliser. Après tout, c’est la vie de votre animal qui en dépend! Mieux vaut prévenir que guérir... RÉFÉRENCES : Le botulisme chez les chevaux, questions et réponses, Nicolas Herteman, DMV & Jean-Pierre Lavoie, DMV (www.chuv.umontreal.ca/le-chuv/hopital-equin/ressources-hopital-equin/articles-equins/le-botulisme-chez-les-chevaux) Manuel vétérinaire Merck (www.merckvetmanuel.com/generalized-conditions/clostridial-diseases/botulism) OMAFRA (www.omafra.gov.on.ca/french/livestock/horses/facts/info_botulism.htm) Botulism type B, a preventable, deadly disease (www.animalsafety.neogen.com/en/neogenvet-botvax-b?gclid=CLyfgtLJvdQCFYmEswodCV0PSw) |
SEPT TYPES DE BACTÉRIES C. BOTULINUM Il existe sept variantes de la bactérie C. botulinum, soit les types A à G, lesquelles sont présentes naturellement dans l’environnement à travers le monde. En Amérique du Nord, la variante la plus commune est le type B, responsable d’environ 85 % des cas de botulisme aux États-Unis. Plus rarement, on retrouve également des cas associés aux toxines des types A et C. L’unique vaccin contre le botulisme (BotVax® B) protège uniquement contre la C. Botulinum du type B. Il est donc fortement recommandé d’instaurer également une bonne régie préventive axée sur la qualité des fourrages. SIGNES DE BOTULISME
PRÉVENTION
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