PAR Me BENJAMIN POIRIER,
DROIT DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉ CIVILE - LAVERY ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - AUTOMNE 2018 - VOL.36 NO.3 |
Un recours devant la Division des petites créances :
à quoi s'attendre
La Division des petites créances entend seulement les causes dont l’enjeu financier brut ne dépasse pas 15 000 $. De plus, la demande en justice ne peut être présentée que par une personne physique ou une entreprise ayant eu au plus 10 employés dans les 12 derniers mois. L’objectif de ces restrictions est de favoriser l’accès à la justice en permettant de trancher plus rapidement les litiges de moindre importance pécuniaire, et à moindres coûts. Pour les demandes financières excédentaires, il faut s’adresser à la Cour du Québec dite « régulière » ou à la Cour supérieure, selon le cas. Voici les étapes pour s’adresser à la Division des petites créances :
1. Dépôt de la demande en justice L’ouverture d’un recours devant la Division des petites créances débute par le dépôt du formulaire prévu à cet effet et par le paiement des frais judiciaires afférents. Le formulaire est accessible sur le site du Ministère de la Justice du Québec et les informations suivantes doivent y être consignées : • Les coordonnées des parties ; • La somme réclamée ; • Les raisons de la demande ; • La ou les fautes reprochées ; • La date des événements ayant donné lieu à la demande ; • L’énumération des témoins devant être entendus ; • Les documents déposés en preuve. La demande doit être adressée au bon défendeur. Cette considération peut sembler une évidence à première vue, mais cela peut jouer des tours. Par exemple, le nom utilisé publiquement par une entreprise ne correspond pas toujours à son véritable nom, tel qu’enregistré au Registre des entreprises du Québec. Il est donc recommandé de s’assurer du nom complet et exact de l’entreprise poursuivie. À cet égard, une erreur dans le nom peut entraîner le rejet de la demande ou des complications non souhaitables, occasionnant délais et frais additionnels. De plus, le dépôt du formulaire doit se faire auprès du palais de justice compétent, soit celui pouvant entendre la demande. En règle générale, il s’agit de respecter le district judiciaire, c’est-à-dire la région où se trouve le domicile du défendeur, ou s’il s’agit d’une entreprise, son principal établissement ou son siège social. Le district judiciaire peut aussi être déterminé par l’endroit où le contrat duquel résulte le conflit a été conclu, ou le lieu où l’accident est survenu. 2. Transmission de la demande à la personne poursuivie À la suite de son dépôt, la demande est acheminée à la personne poursuivie par le greffe du palais de justice l’ayant acceptée. La personne poursuivie doit alors répondre dans les 20 jours suivants la réception de la demande, en consignant par écrit ses motifs de défense dans le dossier de la Cour. Nous ne pouvons qu’insister fortement sur l’importance de déposer une défense écrite. Ignorer une demande en justice n’a jamais empêché un jugement d’être rendu, bien au contraire. Éventuellement, le palais de justice fixe une date de procès. Le délai d’attente varie d’un palais de justice à l’autre. Il n’est pas exagéré d’anticiper un délai de 6 à 18 mois. 3. L’audience et son déroulement Sauf circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent être représentées par un avocat lors d’un procès devant la Division des petites créances. Cette interdiction ne se limite qu’à la représentation en Cour, ce qui signifie que la loi permet de recourir aux services d’un avocat pour obtenir une opinion juridique, de l’aide dans la préparation de la demande ou de la défense, pour la préparation des témoins et de la preuve à présenter. Durant l’audience, les parties sont invitées par le juge à présenter leurs arguments et leurs éléments de preuve. La partie demanderesse est entendue la première, puis la défense présente ses arguments. Les témoins sont interrogés par le tribunal. Chaque témoin ne peut relater que les faits dont il a eu personnellement connaissance. Un témoin ne peut jamais rapporter les paroles d’une autre personne. Un témoin dit « ordinaire » ne peut donner son opinion sur une situation requérant une expertise, par exemple, la cause médicale d’une boiterie. Dans un tel cas, seul un témoin dit « expert » comme un vétérinaire ou un entraîneur expérimenté, peut témoigner après avoir déposé un rapport écrit exposant son opinion. La partie demanderesse a le fardeau de faire la preuve de tous les éléments de sa réclamation. Elle doit expliquer quelle est la faute reprochée, quels sont les dommages financiers causés, mais aussi établir un lien direct entre la faute et le dommage. Comme mentionné, prouver la cause des dommages requiert souvent la présence d’un expert, vétérinaire ou entraîneur, surtout en matière médicale. La partie défenderesse, quant à elle, peut nier sa responsabilité en attaquant la véracité de la narration des faits présentée par la partie demanderesse, le lien entre la faute reprochée et la cause des dommages, le montant réclamé s’il est exagéré. Contester le montant réclamé n’équivaut pas à admettre sa responsabilité, dans la mesure où cela est clairement exprimé. En position de repli, un défendeur peut avoir de meilleurs arguments pour démontrer que les dommages réclamés sont surévalués ou que les réparations auraient pu être faites à moindres coûts. Mises en garde : Un dommage, comme la perte d’un cheval, un accident ou une blessure sont, sans conteste, des événements troublants qui peuvent laisser des séquelles psychologiques, parfois graves. En ce qui a trait aux dommages financiers, les demandeurs réclament souvent un montant pour être indemnisés des troubles et inconvénients. Au Québec, les sommes octroyées à ce titre sont de l’ordre de quelques centaines de dollars, voire quelques milliers. Cela peut paraître peu élevé comparativement aux sommes qui sont ordonnées aux États-Unis ou même à ce qui figure dans certains films, mais les Cours de justice québécoises croient avoir atteint un meilleur équilibre. Pour une question de proportionnalité et de crédibilité, il est préférable qu’un demandeur s’en tienne à réclamer une somme raisonnable en phase avec l’état du droit au Québec. À vouloir trop en demander, on peut risquer de tout perdre. Somme toute, la procédure devant la Division des petites créances se veut relativement souple afin de faciliter l’accès à la justice et de promouvoir le droit d’être entendu. Néanmoins, un service de médiation est souvent offert par le palais de justice avant le procès. Il peut être avantageux d’y participer, car les compromis d’un règlement à l’amiable valent souvent mieux qu’un jugement défavorable. |