KATERINE PARD, AGR.
Katerine est consultante en nutrition équine chez Agribrands Purina. Katerine a complété
son baccalauréat en agronomie à l’Université Laval en 2002 et est membre de l’Ordre des Agronomes du Québec depuis 2008. En plus de son expérience en tant qu’assistante vétérinaire, elle a travaillé pendant 5 ans dans un important élevage de Warmblood. Elle compte aussi plusieurs années d’expérience en tant que cavalière, autant classique que western. Passionnée des chevaux depuis toujours, elle a à coeur la santé et le bien-être des animaux. |
ARTICLE PARU DANS CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - ÉTÉ 2016 - VOL.34 NO.2
Électrolytes, sodium et hydratation : Tendances, mythes et réalités
Vous est-il déjà arrivé, pendant une chaude journée de concours, de remarquer un changement de comportement chez votre cheval ? Est-il devenu amorphe ou, au contraire, excité sans raison apparente ? A-t-il subi un coup de chaleur ? Ces types de réactions peuvent survenir lorsqu’un cheval est déshydraté. Afin de prévenir cette situation, il est important de connaître quelques principes de base. QU’EST-CE QUE LA DÉSHYDRATATION ? La déshydratation survient lorsqu’un cheval a trop perdu d’eau et d’électrolytes. Les causes peuvent être multiples. QUELS SONT LES SYMPTÔMES ET LES RISQUES ASSOCIÉS AU CHEVAL DÉSHYDRATÉ ?
L’attitude générale du cheval déshydraté peut être affectée. Il sera excité ou paresseux, titubera, ou encore, aura l’air perdu. Il éprouvera de la difficulté à performer, entre autres, parce que les contractions musculaires ne seront plus aussi efficaces. Il sera plus susceptible aux crampes musculaires et aux crises de rhabdomyolyse récidivante à l’effort (tying-up). Il n’arrivera pas aussi bien à évacuer sa chaleur, car il ne produira plus assez de sueur. Si l’exercice se poursuit, il pourra souffrir de coups de chaleur, ou pire, d’une crise cardiaque. Par ailleurs, il sera plus à risque de faire une colique par impaction, car le manque d’eau dans le gros intestin peut provoquer la formation d’un bouchon et une moins grande motilité. Le degré de déshydratation aura un impact sur l’intensité des symptômes et les risques de problèmes pour la santé. Un cheval un peu déshydraté aura de bonnes chances de boire l’eau servie et de récupérer assez facilement, mais passé un certain niveau, il ne ressentira plus la soif et les conséquences négatives s’avèreront plus grandes. COMMENT VÉRIFIER S’IL EST DÉSHYDRATÉ ? La méthode la plus facile et la plus rapide pour vérifier le degré d’hydratation d’un cheval est le pli cutané. Il faut pincer et tirer la peau au niveau du cou ou de la pointe de l’épaule. Si la peau hésite à reprendre sa place, c’est un signe de déshydratation. Si la peau reprend sa place instantanément, le cheval est probablement bien hydraté, mais ce n’est pas une garantie, car le cheval a pu puiser dans ses réserves, comme dans le gros intestin, qui lui, envoie de l’eau dans le reste du corps pour compenser. Chez les chevaux plus âgés dont la peau est moins élastique, le pli de la paupière est conseillé. Une autre méthode assez fiable et facile à réaliser est de vérifier l’hydratation par le temps de remplissage capillaire : il faut utiliser les deux mains pour tirer une partie des lèvres du cheval pour exposer les gencives et ensuite appuyer brièvement et doucement sur la gencive de la mâchoire supérieure avec l’index ou le pouce d’une main. On doit regarder et compter combien de temps il faut pour que la gencive revienne à sa couleur rose naturelle après avoir retiré le doigt. Aussi, une bonne technique consiste à surveiller le fumier. Les boulettes doivent se tenir, mais contenir une grande quantité d’eau (assurance d’avoir de l’eau dans le gros intestin). Toutefois, la méthode la plus précise demeure la prise de sang. Par contre, il y a un délai entre l’échantillonnage de sang et l’arrivée du résultat. COMMENT FAIRE POUR RÉHYDRATER LE CHEVAL ? La méthode de réhydratation dépend du degré de déshydratation. Dans le cas d’une légère déshydratation, par exemple après un exercice intense, il est suggéré de servir de l’eau contenant des électrolytes à une concentration entre 0,45 % et 0,90 % (entre 90 g et 180 g par 20 litres) et à une température d’environ 20°C dans les minutes suivant l’exercice, puis offrir de l’eau claire à la même température. En fonctionnant ainsi, les chercheurs ont remarqué une amélioration de la quantité d’eau totale ingérée et une meilleure reprise de l’hydratation. Généralement, à ce niveau de déshydratation, le cheval ressent la soif. La croyance populaire dit que l’on ne doit pas servir d’eau à un cheval tout de suite après l’exercice afin d’éviter un « coup d’eau » qui pourrait provoquer une colique ou une fourbure. En fait, ceci est vrai seulement pour l’eau froide et non pour l’eau tempérée. Le réflexe du cheval est de boire presque immédiatement après l’exercice et après avoir mangé. Il ne faut donc pas manquer ces deux fenêtres d’opportunités de le faire boire. Dans le cas d’une déshydratation moyenne, il est généralement recommandé d’intuber le cheval (acte vétérinaire), car il ne ressent plus tellement la soif et les quantités d’eau et d’électrolytes à faire ingérer sont tellement grandes que le cheval n’arrivera pas à boire suffisamment. S’il s’agit d’une déshydratation sévère, et même parfois pour le cheval moyennement affecté, il est nécessaire de fournir une solution d’électrolytes de façon intraveineuse et en grande quantité; ce qui encore une fois devrait toujours être fait sous la supervision d’un vétérinaire, car un excès de potassium intraveineux peut causer un arrêt cardiaque. ATTENTION AUX SURDOSES (EAU, SUCRE ET SEL) ! Une trop grande consommation d’eau sans ajout d’électrolytes n’améliorera pas aussi rapidement le degré d’hydratation de votre animal. En effet, l’eau pure n’aide pas le cheval à ressentir la soif, contrairement à l’eau salée, et ne refait pas la banque d’électrolytes. Il faut aussi prendre garde à ne pas trop administrer d’électrolytes d’un coup. Si une quantité excessive est servie de façon orale sans eau disponible, l’animal n’en sera que plus mal en point, car la concentration sera trop élevée et déshydratera l’animal encore plus. saviez-vous que … QU’EST-CE QU’UN ÉLECTROLYTE ?
Les électrolytes sont des minéraux qui, lorsque mélangés avec de l’eau, portent une charge électrique positive ou négative. Ces minéraux sont le sodium, le chlore, le potassium et dans une moindre mesure, le calcium et le magnésium. Il existe des pompes situées sur les parois de chaque cellule du corps qui permettent de contrôler la concentration en électrolytes et en eau à l’intérieur et à l’extérieur de ces mêmes cellules. Dépendamment du type de cellules, ce gradient de concentration permettra entre autres la transmission des influx nerveux et les contractions musculaires. QUEL ÉLECTROLYTE CHOISIR ? Le choix d’un électrolyte dépend du degré de transpiration du cheval. Pour celui qui est au travail léger, une ration bien balancée avec 25 g à 30 g de sel par jour et du foin à volonté suffisent. Pour celui qui exécute un exercice modéré, selon la quantité de transpiration produite, de 30 g à 60 g de sel par jour devraient être ajoutés à la ration en plus de donner du foin à volonté. Le bloc de sel à lui seul suffit rarement, car pour la grande majorité des chevaux, la consommation est variable et souvent insuffisante. En effet, un bloc de 2 kg devrait être mangé en moins de huit semaines, ce qui arrive rarement. C’est pourquoi il est recommandé d’en ajouter dans la portion (sel à bétail ou sel à foin.) Cela s’avère une manière très économique de remplacer les électrolytes perdus. Pour les chevaux au travail intense ou qui transpirent beaucoup, les électrolytes commerciaux représentent un choix intéressant. Il en existe toute une panoplie en magasin. Toutefois, il faut bien regarder les ingrédients afin de faire le bon choix : Par ailleurs, il est important de se méfier des électrolytes dont le premier ingrédient est le sucre ou le dextrose; ce ne sont pas des ingrédients très utiles pour réhydrater. Cependant, il peut s’avérer intéressant d’en avoir un peu, car le sucre aide à l’absorption du sel, mais dans un ratio sel:sucre de 2:1 minimum. COMMENT PRÉVENIR Il y a d’abord l’entretien au quotidien, soit s’assurer que la ration est bien balancée et que du sel est ajouté à l’alimentation. En plus des bienfaits lors de l’exercice et de la récupération, il y a beaucoup moins de risques que le cheval fasse une colique par impaction. Lors d’un travail long, intense et particulièrement lorsque la température est chaude et humide, de petites quantités d’électrolytes devraient être servies régulièrement. Il est possible d’en donner entre les épreuves ou pendant son déroulement lorsqu’il s’agit d’endurance. Il est primordial que le cheval ait aussi accès à de l’eau pure, qu’il s’agisse d’électrolytes servis dans l’eau, en pâte ou en poudre dans la moulée. Il peut aussi être intéressant de mouiller le cheval régulièrement, puis d’enlever le surplus d’eau sur le corps, et recommencer. L’eau évacue la chaleur à la place de la sueur et le cheval transpire donc moins. Par ailleurs, le fait de servir de l’eau dans une chaudière plutôt que par l’entremise d’une buvette automatique permet de surveiller la quantité d’eau bue et d’éviter les problèmes de pression. En effet, une buvette ayant trop ou trop peu de pression peut affecter la consommation. Il est aussi plus facile de servir de l’eau tempérée dans un seau. • |