PEARL DUVAL
Aide-bibliothécaire dotée d’une curiosité naturelle pour plusieurs sujets, la passion qui supplante toutes les autres a toujours été celle qu’elle voue aux chevaux. Pearl est une passionnée de chevaux depuis plus de
40 ans, elle les monte, les côtoie, les peint et écrit même sur eux. |
ARTICLE PARU DANS CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - ÉTÉ 2016 - VOL.34 NO.2
Portrait de la famille Hug
Quand passion rime avec perfection On peut dire que la passion du cheval coule dans les veines des membres de la famille Hug depuis quelques générations déjà. Dès leur arrivée en sol québécois en 1979, cette famille suisse n’a cessé de rechercher la qualité dans toutes ses entreprises, que ce soit l’élevage de vaches laitières et de chevaux Haflinger, ou encore, de compétitions d’attelage. Lorsque Christian Hug débarque de l’avion avec ses sept enfants, les chevaux sont déjà une tradition bien ancrée chez lui. Cavalier militaire de profession et champion en saut d’obstacles, dont la brillante carrière est stoppée net par une malencontreuse chute, Christian ne se laisse pas décourager et poursuit sa passion des chevaux en se convertissant à l’attelage. Son choix se porte sur les solides et sympathiques Haflingers originaires du Tyrol (appelés Avelignese en Italie). Il est fortement encouragé par Otto Schweisgut, une sommité dans le domaine et un fervent défenseur de cette race établie depuis la fin du XIXe siècle, mais dont les origines remontent possiblement au Moyen-Âge. Monsieur Hug arrive donc au Québec avec un bagage équestre solide et une passion qu’il a déjà commencé à transmettre à ses enfants. Cependant, il se rend rapidement compte que la situation du monde équestre est loin d’être aussi évoluée ici comparée à celle de l’Europe qui, il faut bien l’admettre, a quelques siècles d’avance sur nous ! Comme il faut bien gagner sa vie et nourrir la famille, les Hug se lancent dans l’élevage de vaches laitières de race Suisse brune, moins populaires (pour l’époque), mais très productives et qu’ils connaissent bien, ayant déjà eu un élevage en Suisse. La famille s’installe donc à Roxton Pond où la production est tellement bonne que les Hug fournissent du beurre et du fromage à la famille et aux amis. Toutefois, la passion du cheval revient hanter les rêves des Hug et une transformation s’opère sur la ferme familiale : la production laitière est peu à peu abandonnée; les vaches sont vendues et des chevaux viennent les remplacer dans l’étable qui est convertie en une belle et vaste écurie. Alors qu’Eugen reprend la ferme à son compte, Christian s’achète une ferme plus petite et recommence à entraîner des chevaux; à donner des cliniques et à juger sur le circuit des concours qui se développe enfin (nous sommes dans les années 1990). De ses sept enfants, Théo et Eugen représentent ceux qui perpétuent le mieux le flambeau équestre familial. Théo Hug décide alors de développer et de promouvoir les Haflinger au Canada en faisant venir d’Autriche ses premières poulinières, dont la superbe jument Fricca (toujours vivante), et en 1992, un étalon exceptionnel, Adanac, acheté à monsieur Schweisgut, qui fait sa renommée sur le continent nord-américain. Sa ferme Grison (du nom du canton suisse d’où viennent les Hug), fondée en 1989, est aujourd’hui l’un des élevages les plus prisés du continent pour la qualité de ses sujets. Ainsi, 75 % de tous les Haflinger au Québec descendent de son élevage ! La Ferme Grison développe également plusieurs programmes certifiés d’équitation et d’attelage pour petits et grands, des camps de jour, des stages pour devenir palefrenier, en plus de préparer les élèves qui le désirent aux concours hippiques et aux concours d’attelage. Eugen Hug, quant à lui, décide de se spécialiser dans l’attelage à quatre chevaux. Il débute à 15 ans avec un équipage de Haflinger, puis petit à petit se hisse aux plus hauts niveaux des compétitions pour devenir un adversaire redoutable de calibre international. Ainsi, il fait partie de l’équipe canadienne durant 15 ans (il fête cette année sa 26e saison de compétition). Par ailleurs, il se lance, comme son père et son frère, dans l’enseignement, l’entraînement et l’élevage. À force de côtoyer et d’entraîner des chevaux pour ses attelages, Eugen développe une bonne connaissance des caractéristiques de chaque race qu’il entraîne. Après de nombreuses recherches à peser le pour et le contre, il décide de fonder un élevage de chevaux Oldenburg, une race de type demi-sang originaire de l’ancien comté d’Oldenbourg qui fait maintenant partie de la Basse-Saxe en Allemagne. Développé depuis le XVIe siècle à partir de carrossiers et de traits légers utilisés pour les travaux agricoles, l’Oldenburg est très populaire dans les concours d’attelages européens. Mais continuellement à la recherche de meilleurs chevaux, Eugen croise ses Oldenburg avec des Trotteurs français afin de créer des chevaux plus solides, adaptés à ses exigences personnelles et au climat québécois. Toujours curieux d’élargir ses compétences et très généreux de son savoir, il devient entraîneur certifié en 1998 auprès de la Fédération équestre du Québec et de Canada Hippique. Depuis, il entraîne les jeunes (et moins jeunes) meneurs et ne semble pas vouloir ralentir le rythme ! Grâce au soutien indéfectible de sa femme Carmen, de ses deux filles, Corina (13 ans) et Tamara (16 ans), et de deux employées dévouées et compétentes, il est assuré que peu importe les déplacements prévus à son agenda, l’entretien des chevaux et le roulement de la ferme seront bien faits. En effet, avec une compagne extraordinaire comme Carmen qui, elle aussi, a la passion du cheval tatouée sur le coeur et deux belles filles qui ont su trouver un équilibre sain entre la vie de ferme et les attraits de la vie moderne, une carrière internationale comme la sienne est plus facile à gérer ! Toutefois, le temps passant, les défis deviennent plus lourds à affronter; la compétition commence à lui peser et après les Jeux équestres mondiaux de 2018, Eugen a l’intention de prendre sa retraite des compétitions. De toute façon, il préfère de plus en plus enseigner, donner des cliniques et entraîner des chevaux. Lui et Carmen, également entraîneuse certifiée, se complètent dans leurs approches : elle, peut-être un peu plus patiente avec les débutants; lui, poussant ses élèves à se dépasser lors de l’exécution de manoeuvres, de figures au sol et de parcours complexes. De plus, ses deux filles nécessitent un encadrement. Corina, l’intrépide qui conduit un attelage depuis l’âge de neuf ans, commence à faire de la compétition. Tamara, quant à elle, préfère superviser sa jeune soeur et s’occuper de toute la logistique au sol (pour utiliser une analogie sportive, elle représente l’équipe de ravitaillement). Elle s’occupe également du site internet Team Hug, de la page Facebook de l’entreprise et du look professionnel de toute l’équipe. De sa rencontre fortuite avec Carmen en 1994, alors qu’elle était venue faire un stage au Québec de son Autriche natale, aux naissances de leurs filles, la famille d’Eugen a toujours été là pour le suivre et l’encourager durant sa carrière de compétiteur international. La vie quotidienne de la famille Hug coule inexorablement au rythme des naissances des poulains, des débourrages, des entraînements continus, des cours et des cliniques données à travers la province. Lorsqu’il est à la maison, Eugen commence sa journée vers 5h30 en donnant le premier des cinq repas prévus aux chevaux. Puis, les employées arrivent vers 6 h 45 pour nettoyer la paille des boxes qui sera compostée et étendue sur les pâturages. Vers 8h00, il attelle les premiers chevaux de la journée pour une randonnée sur sa terre, histoire de les garder en forme ou d’entraîner les plus jeunes, et cela, peu importe la température ou la saison ! Le rythme augmente bien sûr lorsqu’on s’approche d’une compétition ou d’une sortie. Durant les fins de semaine, il peut compter sur Corina et Tamara pour l’aider aux tâches de la ferme, soit nettoyer les équipements, monter et s’occuper des chevaux (surtout les poulains). Elles acceptent de bonne grâce d’aider leur père et pour ne pas se sentir trop isolées de leurs amis, elles les invitent souvent à passer la journée avec elles, ce qui est sûrement très apprécié des parents avoisinants qui savent que leurs enfants sont en sécurité chez les Hug ! Exceptionnellement cette année, comme il n’y avait pas de naissances de poulains prévues, les filles ont demandé pour Noël....des chevreaux ! De quoi les rendre encore plus populaires ! Malgré leur vaste expérience combinée, Christian, Eugen et Théo ne s’assoient jamais sur leurs lauriers et sont toujours à l’affût d’une nouvelle méthode d’entraînement, d’une technique ou d’une pièce d’équipement révolutionnaire comme des sièges chauffants reliés à une pile dans la boîte de la voiture, maintenant indispensables pour les randonnées hivernales ! D’ailleurs, il n’est pas rare que M. Hug sénior, malgré ses 82 ans, découvre une nouvelle information dans l’une des nombreuses revues équestres auxquelles il est abonné et lâche un coup de fil à ses enfants pour leur faire part, tout excité, de sa découverte ! La vie de famille n’est peut-être pas toujours facile dans le monde agricole, et particulièrement dans le monde équestre, mais quand on partage ensemble une passion du cheval doublée d’une curiosité dévorante pour le monde qui nous entoure, en plus d’un désir brûlant de perfection et de maintien de hauts standards, l’avenir ne peut être que positif et stimulant pour cette famille d’immigrants merveilleusement influente dans notre paysage équestre. • |