La flore digestive du cheval,
une question d'équilibre
PAR JOSÉE LALONDE, AGR. MA.
La santé et le bien-être de votre cheval sont indissociables de l’état de son microbiote. Est-ce pour cette raison que les termes probiotiques et prébiotiques sont sur toutes les lèvres des propriétaires de chevaux ? Possible, plusieurs bienfaits leur sont en effet attribués. De là à en faire une cure pour tous les maux, peut-être pas…
Une multitude d’espèces de microorganismes, chacune avec ses propres spécificités et fonctions, réside confortablement dans l’intestin de votre cheval, principalement au niveau du gros intestin (caecum et colon). Cet espace est occupé par un écosystème diversifié et abondant composé de milliards de bactéries, protozoaires, parasites, archées, virus et champignons. Depuis quelques années, le terme microbiote remplace l’appellation flore bactérienne et réfère à l’ensemble des différents microorganismes peuplant un espace donné; le terme microbiome, à ne pas confondre avec le précédent, fait référence à l’ensemble des données génétiques du microbiote. Une flore bactérienne en constante évolution La grande diversité de la flore digestive du gros intestin complique l’usage des probiotiques et prébiotiques, et les suppléments qui en vantent les mérites ne sont pas nécessairement adaptés à la condition particulière de votre animal. En effet, le microbiote n’est pas le même d’un individu à un autre, et il évolue constamment en fonction de divers facteurs dont le stress, la médication, l’état de santé de l’animal et, bien sûr, la ration alimentaire. En fait, toute perturbation brusque de la flore microbienne peut avoir des conséquences plus ou moins graves : douleur abdominale, constipation, gaz, colique, diarrhée, colite, fourbure. C’est justement pour cette raison qu’il est recommandé de faire une transition alimentaire progressive, étalée sur une quinzaine de jours, qu’il soit question de foin, pâturage ou moulée. Le microbiote joue plusieurs rôles essentiels. Tout d’abord, rappelons que l’alimentation du cheval est en grande partie composée de la fibre des fourrages, un aliment que seule sa flore digestive peut fermenter. Les principaux produits résultant de cette fermentation sont les acides gras volatils (acétate, propionate et butyrate), qui seront métabolisés par l’animal et utilisés comme source d’énergie. Plus précisément, au fur et à mesure du passage des aliments dans l’intestin, les microorganismes en dégradent les composantes, rendant disponibles des acides gras volatils, mais aussi des protéines et certaines vitamines. D’un point de vue alimentaire, le microbiote optimise donc la synthèse de certains nutriments et en assure une meilleure absorption. De plus, point non négligeable, puisqu’une bonne partie du système immunitaire est située dans l’intestin, la population microbienne qui s’y trouve joue un rôle majeur au niveau du maintien de la santé globale. Probiotiques et prébiotiques, quelle est la différence ? Les probiotiques sont des bactéries viables productrices d’acide lactique qui peuplent naturellement l’intestin. Si des suppléments de probiotiques bien adaptés aux besoins sont consommés régulièrement et en quantité suffisante, leurs effets potentiels bénéfiques pour la santé de l’hôte sont réels. Ils ont un effet positif en optimisant la digestion et l’efficacité alimentaire et, par leur capacité à produire des anticorps, ils empêchent les bactéries pathogènes de coloniser l’intestin. Les prébiotiques sont des substances non viables que le cheval ne peut dégrader ; le plus souvent des glucides (mannan oligosaccharides ou MOS, fructo-oligosaccharides ou FOS), ils servent de nourriture aux probiotiques présents dans l’intestin et favorisent leur croissance. Ils participent donc indirectement au maintien d’un microbiote en santé et efficace, ce qui favorise une plus grande digestibilité. Notons que la pulpe de betterave et les écailles d’avoine et de soya sont aussi considérées comme des prébiotiques puisqu’elles peuvent être fermentées par les bactéries du gros intestin. La recherche scientifique chez le cheval étant limitée, car très onéreuse, les données disponibles sur l’usage des probiotiques et prébiotiques proviennent principalement d’études menées sur d’autres espèces, notamment les ruminants et les humains. Le hic ? Même si des similitudes existent, le système digestif du cheval ne fonctionne pas comme celui de l’humain ni du ruminant. Pour cette raison – et le fait que le microbiote évolue sans cesse – déterminer les souches de probiotiques et prébiotiques nécessaires au bien-être du cheval selon sa condition et établir le dosage quotidien idéal n’est pas une mince affaire. De plus amples recherches cliniques sont nécessaires à ce sujet chez l’équin. Fonctionnent-ils vraiment chez le cheval ? Oui, car certaines recherches chez le cheval ont montré des résultats prometteurs, du moins lorsque l’apport en probiotiques ou prébiotiques est très élevé. Les suppléments offerts sur le marché permettent-ils de fournir à votre cheval le même dosage ? Rien n’est moins sûr. Fiez-vous davantage aux détails techniques de l’étiquette d’un produit plutôt qu’à son marketing. L’étiquette de tout supplément doit indiquer la concentration (en UFC ou unité formant colonies), le dosage et les sources de bactéries (probiotiques) ou de glucides non viables (prébiotiques). Un conseiller en nutrition équine qualifié ou un vétérinaire féru d’alimentation sera en mesure de vous aider. La littérature scientifique permet d’énoncer les faits suivants :
Comprendre le mécanisme d’action des probiotiques et des prébiotiques permet de mieux juger de la pertinence de les ajouter à l’alimentation de votre cheval. S’il est en santé et en bel état de chair, si sa ration est principalement composée de fourrages et si son fumier est normal, il n’en tirera probablement que peu d’avantages. Cependant, si votre cheval reçoit une alimentation riche en amidon et réduite en fourrages, s’il est confronté à des changements alimentaires fréquents ou s’il avance en âge, il pourrait en tirer profit dans la mesure où le supplément de probiotiques ou prébiotiques servi est adapté à sa condition et servi en quantité suffisante. Écrit en collaboration avec les Moulées Blue Seal. Références : S. Sadet-Bourgeteau et V. Julliand Unité de Recherche sur les Animaux d’Élevage, USC1335 Nutrition du cheval athlète, AgroSup Dijon, F-21079 Dijon, France. Repéré à https://www6.inrae.fr/productions-animales/content/download/6436/88711/version/1/file Le microbiote intestinal du cheval. Repéré à http://petille.univ-poitiers.fr/notice/view/57690 Equibiome latest update. Repéré à https://www.equibiome.org/ |
Des probiotiques nuisibles à certains chevaux ? Plusieurs suppléments de probiotiques combinent l’usage de lactobacilles et de bifidobactéries. Développé par l’entreprise Equibiome, un test d’analyse en temps réel de l’écosystème du gros intestin a démontré qu’au moins 90 % des chevaux testés présentaient un niveau de bifidobactéries faible, ce qui pourrait valider l’importance de cette espèce de probiotique dans les suppléments. Toutefois, chez près de 70 % des chevaux, les niveaux de lactobacilles, qui rappelons-le, convertissent les sucres en acide lactique, étaient soit très élevés, soit très bas. Les chevaux du groupe au niveau élevé étaient marqués par un historique d’ulcères, de performances médiocres et d’inconforts intestinaux, affirment les chercheurs de l’entreprise. Servir un supplément hautement concentré en lactobacilles pourrait donc s’avérer nuisible à certains chevaux. Des études indépendantes sur le sujet méritent d’être approfondies. |