PAR DANIELLE BOILY
ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - AUTOMNE 2018 - VOL.36 NO.3 |
Grand bâtisseur : monsieur François Pépin
Monsieur François Pépin est le deuxième grand bâtisseur qui nous raconte son expérience. Maintenant gérant de projets de construction pour le nouveau parc hippique de Bécancour après en avoir été le directeur général, il a été président de la Filière Cheval en 2013 et fondateur du nouveau Salon du cheval provincial dont la première édition s’est tenue à St-Pascal de Kamouraska en 2011. Déjà en 2003, en visitant le Salon du cheval organisé par la Fédération équestre du Québec, qui se tenait traditionnellement à l’hippodrome Blue Bonnet de Montréal, François annonçait son intention de tenir éventuellement un tel événement en région. Les astres commencent à s’aligner lorsque ses talents d’organisateur sont mis à contribution avec le comité du Weekend du randonneur 2010 (de Québec à cheval). C’est le premier à se tenir dans la MRC de Rivière-du-Loup, où a lieu le Festival country de St- Antonin. L’accent est mis sur la sécurité et monsieur Pépin est fier de préciser que pour une première fois, tous les guides certifiés par Québec à cheval sont réquisitionnés. Les contacts établis dans le cadre du Festival et d’une organisation provinciale stimulent le projet de Salon du cheval. François approche la Filière Cheval, qui regroupe les principales organisations du secteur équin, afin d’obtenir leur collaboration et participation à l’événement. Ses efforts aboutissent en 2011, avec la création du Salon du cheval provincial. L’événement grandit et s’améliore d’année en année pour atteindre une vitesse de croisière intéressante à Saint-Hyacinthe, où ont eu lieu les éditions les plus récentes. François et sa conjointe ont depuis passé les rênes de l’organisation à la relève, afin de consacrer (enfin) plus de temps au tourisme équestre. Le couple ne peut passer plus de deux semaines sans s’évader avec leurs chevaux. Passer cinq ou six heures à cheval suivies d’un bon barbecue en soirée, voilà la façon de relaxer version Pépin. « Les enfants sont élevés alors je peux partir avec ma blonde les fins de semaine, relate François. Pas de pression, pas d’obligation à s’entraîner… Nous adorons le Centre-du-Québec, en particulier les sentiers à Sainte- Hélène-de-Chester et le Parc de la rivière Gentilly. Cet été, nous allons passer une semaine au parc de Ganaraska, en Ontario (NDLR : voir Cheval Québec Magazine, automne 2017). Ça fait des années qu’on explore différentes régions avec nos chevaux, on s’est fait des amis partout au Québec. » C’est une passion qui ne date pas d’hier, pourtant il ne vient pas d’une famille de cavaliers. C’est tout de même son père qui l’emmène chaque année à la foire agricole de Daveluyville où se tiennent des tires de chevaux… et où un enfant de neuf ans peut dépenser son argent de poche pour faire un tour de poney. Pas question d’en acheter un, par contre. Il faut attendre l’adolescence pour pouvoir louer un vieux cheval et partir seul en promenade. Les normes des centres de location sont beaucoup moins strictes à l’époque… « J’avais environ 24 ans quand j’ai acheté mon premier cheval d’un maquignon. Comme c’était assurément un cheval super fin et bien dressé pour la randonnée, j’ai pu développer ma technique… de vol plané, mais j’en suis venu à bout. » Quelques années plus tard au cours d’une formation, il fait une rencontre déterminante. Gilbert Harel, un entraîneur de chevaux de course sous harnais, lui offre de devenir conducteur. C’est le début d’un autre chapitre de sa passion des chevaux, qui l’amène à posséder une dizaine de chevaux de course et à briguer la présidence du Club. « Cependant, on ne sentait pas toujours l’amour des chevaux dans ce milieu, à cette époque. » Aussi, après une quinzaine d’années dans le monde des courses sous harnais, il vend tous ses chevaux dès que le secteur se met à décliner et revient à ses premières amours : la randonnée. Il réalise comment le contact avec les chevaux permet de connaître la nature humaine. « J’étais moi-même assez rock’n’roll de 25 à 35 ans, très impulsif, et d’entraîner des chevaux m’a rendu plus patient, ça m’a amené à changer d’attitude et je dirais même que ça m’a permis de devenir un meilleur coach, de mieux gérer mes employés. » Directeur général chez John Deere et directeur des ressources humaines pour sept concessions, coach d’affaires pendant huit ans, on peut croire que la leçon a porté. Pourquoi ne pas faire carrière dans le domaine équestre, après s’être tant investi ? « J’aimais beaucoup mon rôle rassembleur chez John Deere et avec les chevaux, c’est pas mal plus facile de dépenser de l’argent que d’en gagner. » Pour lui, c’est aussi plus facile de rester passionné quand on ne mêle pas les affaires et la passion, ainsi la vision des besoins et des perspectives d’avenir de l’industrie n’est pas soumise aux pressions des préoccupations personnelles. « J’avais deux cartes professionnelles, une pour le Salon du cheval, ma passion, et l’autre pour mon travail. » Il reste préoccupé par tout le travail à faire afin que le cheval soit reconnu par les élus et la population. « On a perdu le sens du cheval, ce qu’il nous apporte. On est géré par des gens de la ville et le cheval n’est plus toléré, alors que la pollution est omniprésente. On est loin d’initiatives comme en Normandie, où on emmène les enfants à l’école en charrette et les vidanges sont ramassées avec des chevaux attelés. Il faut intéresser les jeunes, leur donner le goût de l’équitation, encourager la relève, fonder des poneys-clubs… Mes propres enfants ont « survécu » à l’attelage, en suivant sur leurs poneys hiver comme été. » Malheureusement, le milieu n’évolue plus beaucoup, les budgets sont beaucoup trop réduits, surtout depuis la fusion qui a créé Cheval Québec. Par exemple, il faut se poser la question « Où en sera la randonnée dans cinquante ans ? » Le sport et le loisir sont deux missions particulières qui méritent qu’on y consacre le temps et l’argent nécessaires. » On a besoin de relève, d’investissements et de ces passionnés qui font avancer les choses en ayant le cheval au coeur de leurs préoccupations. François a pu rencontrer de ces gens extraordinaires au cours de son parcours. Bien sûr, son mentor dans le monde des courses, Gilbert Harel. Mme Éliane Trempe qui fait de la zoothérapie et de l’équithérapie, rencontrée par la Filière Cheval, lui a fait découvrir d’autres facettes intéressantes de l’industrie. Son copain Pierre Guillemette, un passionné de chevaux et d’attelage, qu’il retrouve tous les dix ans depuis l’école primaire, que ce soit sur les champs de courses, au comité du Salon du cheval ou pour l’organisation d’événements hippiques. Pour sa part, François se consacre au développement du nouveau complexe hippique de Bécancour (secteur Gentilly) qui pourra accueillir ses premières compétitions en mai 2019. Les aménagements convenant à toutes les disciplines classiques, westerns ou d’attelage, seront séparés d’au moins 500 mètres pour ne pas se nuire mutuellement. Le terrain de golf de 18 trous était difficile à rentabiliser, mais le site peut répondre aux besoins des sports hippiques. C’est un bel exemple de conciliation opportunité-besoins, dans un secteur central pour le Québec. François prévoit ensuite continuer en faisant partie du conseil d’administration et surtout… pouvoir profiter à son goût de ses propres chevaux ! |