Cheval Quebec Magazine
  • Accueil
  • Articles
  • section jeunes
  • Tarifs publicitaires
  • Contact
  • BOUTIQUE
ME FLORENCE FOREST
ME BENJAMIN POIRIER
DROIT DES ASSURANCES
ET RESPONSABILITÉ CIVILE
LAVERY AVOCATS

ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE -
​ÉTÉ 2019 - VOL.37 NO.2
LA MORT DE LA JUMENT ÉTAIT-ELLE ÉVITABLE ?

La relation entre le propriétaire d’un cheval et le vétérinaire est basée sur la confiance. Vu les connaissances médicales du vétérinaire, il est normal que le propriétaire s’en remette au professionnel. Le vétérinaire n’a pas l’obligation de guérir un cheval. Le vétérinaire a toutefois l’obligation de prendre tous les moyens à sa disposition pour poser le bon diagnostic et proposer le traitement approprié. Cependant, aucun professionnel n’est à l’abri d’une
erreur médicale.

La décision de la Cour du Québec dans l’affaire Matthiessen c. Waybright1, l’une des rares décisions des tribunaux québécois en matière de responsabilité du vétérinaire, rappelle les meilleures pratiques, les recours dont disposent les propriétaires et les moyens de défense qu’un vétérinaire peut opposer.


Les faits retenus par la Cour

Ingrid Matthiessen (« Matthiessen ») était propriétaire de Forza del Destino (« Forza »), une jument hanovrienne dont la valeur était estimée à 20 000 $. Le 7 juillet 2017, alors que sa propriétaire était en vacances à l’extérieur de la province, il fut constaté que Forza était blessée au cou et à l’un de ses membres antérieurs, au niveau du boulet. Le jour même, une employée de l’écurie de Matthiessen contacta l’hôpital vétérinaire Ormstown afin que Forza soit soignée pour ses blessures.

​Le Dr Warren Waybright procéda à des radiographies du membre, inquiet que sa blessure ait affecté l’articulation. Dr Waybright constata qu’il pouvait insérer son doigt dans la blessure jusqu’à sa deuxième jointure.

Le Dr Waybright vaccina la jument contre le tétanos et apposa un bandage sur le membre. L’employée d’écurie réclamait que Forza reçoive des antibiotiques, mais le vétérinaire prétendait vouloir plutôt attendre le résultat des radiographies avant de prendre une décision. Finalement, le Dr Waybright communiqua avec Matthiessen pour lui faire part des résultats des radiographies : il n’y avait aucun signe d’infection et le nettoyage qu’il avait fait de la
plaie suffirait à la guérison de la blessure.

Or, le lendemain matin, Forza était en douleur, son rythme cardiaque était élevé, son boulet était enflé et du liquide articulaire jaunâtre s’en échappait. Le Dr Waybright appela l’Hôpital équin du CHUV à Saint-Hyacinthe, qui confirma que la jument souffrait d’un choc septique dû à l’infection de sa plaie. À distance, et suivant les informations du
vétérinaire, Matthiessen considéra que Forza ne pouvait pas survivre au transport jusqu’à Saint- Hyacinthe et dut prendre la décision difficile de la faire euthanasier.

Matthiessen poursuivit le Dr Waybright devant la Division des Petites Créances de la Cour du Québec, réclamant 15000$ pour la valeur de son animal.


La position des parties

Le 7 juillet, Forza avait de la difficulté à se tenir sur 3 pattes, avait un rythme cardiaque élevé, était agitée et suait abondamment. Malgré cela, le Dr Waybright n’a jamais avisé Matthiessen du fait que la blessure de Forza pouvait être mortelle, ou qu’elle devrait être transférée à Saint-Hyacinthe.

Le Dr Waybright considère qu’il a agi de façon prudente et diligente, et qu’il a exposé les faits et les solutions possibles de façon neutre à Matthiessen, en respectant la décision de sa cliente d’euthanasier la jument. Il n’aurait pas été en mesure de faire un lavage articulaire à Forza, puisque l’écurie n’avait pas les installations pour ce faire, mais également parce qu’il s’agit d’une procédure spécialisée pratiquée seulement à Saint-Hyacinthe.


La position des experts

Lors du procès, les faits n’étaient pas réellement contestés. Par contre, les opinions de l’expert de la propriétaire Matthiessen et de celui du défendeur Dr Waybright s’opposaient. La Cour devait qualifier le comportement du Dr Waybright à la lumière du comportement qu’aurait eu un vétérinaire raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

L’expert de la propriétaire Matthiessen était d’avis que le Dr Waybright aurait dû prendre des mesures afin que Forza soit transportée à Saint-Hyacinthe le jour même de la survenance de la blessure, ou au moins stabiliser son état afin de permettre son déplacement le lendemain. Selon cet expert, un traitement rapide d’antibiotiques oraux permettait à 65 % des chevaux de guérir de leurs blessures. Dans le cas de Forza, un traitement de pénicilline à large spectre permettant de maximiser les effets aurait été approprié. Un vétérinaire prudent et diligent aurait pu prévoir qu’il y aurait de l’infection à la vue d’une blessure profonde au point de pouvoir y insérer un doigt, notamment parce que les chevaux sont particulièrement sensibles au choc septique à cause de leur environnement.

À l’opposé, l’expert du Dr Waybright était d’avis que Forza aurait dû être traitée par lavage articulaire et qu’il était encore temps de sauver la jument le lendemain matin. Selon lui, le Dr Waybright avait agi comme un vétérinaire prudent et diligent, en nettoyant la plaie et en assurant un suivi de consultation dès le lendemain. Les antibiotiques oraux qui auraient pu être donnés à Forza au moment du traitement n’auraient pas, selon lui, été en mesure d’atteindre la zone infectée et prévenir le choc septique. Selon l’expert du Dr Waybright, le choc septique était inévitable, mais encore traitable, n’eût été du refus de Matthiessen d’envoyer sa jument à Saint-Hyacinthe.


Conclusion du tribunal

Dans son jugement, la Cour accorde plus de crédibilité à la position de l’expert de la propriétaire Matthiessen. La Cour a retenu que 65 % des chevaux recevant des antibiotiques rapidement guérissaient de leur blessure. Conséquemment, si le Dr Waybright avait donné des antibiotiques à Forza dès le 7 juillet 2017 ou s’il avait décidé de la transférer à l’Hôpital équin du CHUV à Saint-Hyacinthe, il est raisonnable de croire qu’elle aurait survécu. Rappelons que pour trancher ce litige civil, la Cour n’avait pas besoin d’une preuve dite « hors de tout doute ».

Par contre, l’expert témoignant pour le Dr Waybright mettait beaucoup d’emphase sur le traitement de lavage articulaire. La Cour a toutefois constaté qu’aucune preuve n’avait été présentée à l’effet que ce traitement avait été proposé par le Dr Waybright à Matthiessen le jour de la première intervention. La Cour a conclu qu’il n’était pas trop tard pour transporter Forza à Saint-Hyacinthe.

Selon la Cour, le Dr Waybright a commis une faute, puisqu’il n’a pas agi comme un vétérinaire prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Selon la preuve présentée, la Cour a conclu qu’il y avait un lien direct entre la faute du vétérinaire et le choc septique de la jument, et l’euthanasie rendue inévitable.

Nous sommes d’avis que le raisonnement de la Cour est bien fondé puisqu’il est appuyé sur une décision de la Cour d’appel2. Dans cette affaire, il avait été déterminé que, s’il est permis de croire que la survenance d’un événement aurait pu être évitée, n’eût été l’action ou l’inaction du défendeur, le lien de causalité entre la faute et la conséquence est établi.

Le Dr Waybright a été condamné à payer 15 000 $ à Matthiessen, soit le plafond monétaire de la juridiction de la Division des petites créances.

1  21 décembre 2018, Dossier de Cour # 760-32-700619-184, Céline Gervais, j.c.q.
2  Quantz c. ADT Canada Inc., 2002 CanLII 41216 (QC CA).
Photo
7665, boul. Lacordaire
Montréal, Québec  H1S 2A7
Tél. : 514-252-3030
info@chevalquebecmag.com
www.chevalquebecmag.com
Photo
ABONNEMENT
Abonnez-vous sur le site !

Tél. : 514-252-3030 poste 3459
abonnement@chevalquebecmag.com
​
VENTES PUBLICITAIRES
Clients francophones :
Marie-José Legault
pub.cqm@gmail.com

​Clients anglophones :
Dianne Denby
diannedenby@gmail.com
​
INFORMATION
​​info@chevalquebecmag.com

Cheval Québec Magazine, une publication des éditions Vice Versa © 2023
  • Accueil
  • Articles
  • section jeunes
  • Tarifs publicitaires
  • Contact
  • BOUTIQUE