PAR ANGIE BEAUDET
ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - PRINTEMPS 2017 - VOL.35 NO.1 |
Peut-on influencer ou faciliter la mue saisonnière ?
Du poil, du poil et encore du poil ! C’est la saison de la mue. Tout propriétaire d’un cheval connaît ce cycle de l’année. Mais que révèle cette mue sur la santé de nos chevaux ? Comment faire en sorte que cette transition se déroule de façon harmonieuse ? La mue représente un exploit d’envergure pour l’organisme, une période durant laquelle la robe entière du cheval est renouvelée. Cette phase provoque un stress considérable sur l’organisme, menant parfois un manque d’entrain, un état plus léthargique ou un poil plus terne. Afin de favoriser ce phénomène naturel, comprenons d’abord ce processus remarquable. Physiologie de la mue La mue permet aux mammifères de survivre à de grandes variations climatiques, des étés les plus chauds aux hivers les plus froids. Or, deux fois par an, le pelage est transformé au grand complet afin de mieux gérer ces écarts de température. La peau étant le plus grand organe du corps ( représentant de 12 à 24 % du poids de l’animal ), elle est responsable de la pousse du poil et du processus de la mue. Les poils poussent à partir des follicules présents dans le derme (la couche de peau sous l’épiderme). Chaque pore contient un follicule, duquel pousse un seul poil. Chez le cheval, la mue du printemps signifie que le pelage est complètement remplacé. Ce processus est particulièrement substantiel ; tous les poils de l’ancienne robe sont délogés et remplacés par la pousse de billions de nouveaux poils que le corps génère afin de se garnir d’une nouvelle robe mieux adaptée aux conditions climatiques. Lorsque l’automne arrive, le contraire se produit. Quoique la mue paraisse moins drastique, car le cheval perd moins de poils, son corps doit tout de même générer un nouveau pelage, plus long et plus épais, qui couvrira son corps en entier. Tout un exploit ! Thermorégulation du corps Non seulement le pelage protège la peau (égratignures, rayons UV et coups de soleil, gelures, etc.), mais il contribue également à la thermorégulation du corps, préservant la chaleur ou refroidissant le corps lors de températures extrêmes. Chez le cheval, le pelage d’été est constitué de poils plus courts et lisses, d’un plus gros diamètre que les poils d’hiver. La constitution du pelage contient également moins de poils secondaires (sous-poils). Cette adaptation anatomique permet à l’air de mieux circuler à travers le poil, refroidissant ainsi le cheval par l’évacuation de la chaleur du corps. Le poil d’hiver, quant à lui, est beaucoup plus long, fin et touffu, facilitant la conservation de la chaleur grâce à la création d’une couche isolante. Pour ce faire, l’air est emprisonné entre une couche de poils secondaires (sous-poils) afin de permettre au cheval de conserver sa chaleur corporelle. En revanche, cet effet n’est maximisé que lorsque le pelage est sec et boursoufflé ; un pelage détrempé perd sa capacité isolante. Le déclenchement de la mue Le cycle de la mue est contrôlé par plusieurs facteurs, dont la photopériode (temps de l’année), la température ambiante, la nutrition, les hormones, la santé et la génétique. Le nombre d’heures de clarté (journées plus longues au printemps) serait l’un des facteurs principaux, responsable du déclenchement du processus de la mue. Cette luminosité provoquerait un changement hormonal chez le cheval, ce qui influencerait le début de la mue printanière, qui bien souvent commence en février. La température ambiante est également un facteur d’importance et nous pouvons noter ce phénomène en observant la longueur et l’épaisseur du poil d’hiver ; les chevaux gardés dans une écurie plus froide ou à l’extérieur auront un poil beaucoup plus fourni que ceux gardés dans une écurie chauffée. Facteurs affectant la mue Il est bien connu que la qualité de la robe en dit long sur l’état de santé du cheval, et on peut en dire tout autant concernant la mue. Un poil terne ou une mue tardive peut indiquer une maladie (ex. : maladie de Cushing – voir encadré), un système immunitaire fortement sollicité (ex. : surcharge parasitaire) ou une carence alimentaire. La mue constituant un stress considérable sur l’organisme, l’alimentation et l’état de santé sont des facteurs déterminants dans la facilité du processus de la mue. L’alimentation Lors de cette période de transition, le cheval doit dépenser une grande quantité d’énergie afin de renouveler la totalité de sa robe. Pour cette raison, les besoins en protéines (les poils sont constitués de 95 % de protéines), en calories, ainsi qu’en vitamines, minéraux et oligo-éléments sont plus élevés lors de cette transition. Un poil sec, mince, terne et cassant peut être signe d’une carence alimentaire lors de cette phase critique. Sans nécessairement parler de malnutrition, les carences en vitamines, minéraux et oligo-éléments, particulièrement chez les chevaux nourris uniquement au foin, ne sont pas rares pendant cette période. Afin de subvenir aux exigences de la mue, la diète doit être complète et contenir tous les nutriments essentiels (ce que le foin ne fournit pas entièrement). Une ration bien équilibrée est également de première importance ; tout débalancement affectera l’interaction entre les nutriments et peut nuire à l’absorption de ceux-ci, créant des carences. Si les besoins ne sont pas comblés, la mue sera plus difficile, puisant dans les réserves d’énergie du cheval, s’étalant sur une période plus longue ou provoquant un état plus léthargique ou une baisse de performance. Un(e) nutritionniste équin ou un(e) consultant(e) en alimentation équine pourra vous aider à bien adapter, balancer la ration et choisir le bon supplément pour vos chevaux afin de subvenir à leurs besoins lors de cette période de stress. Différents types de poil ? Couvertures d’hiver et rasage
Selon l’activité du cheval, il est parfois nécessaire de chauffer l’écurie, mettre des couvertures ou voire même raser les chevaux afin de pouvoir poursuivre un entraînement plus intensif l’hiver. Ceci nécessite alors une gestion plus accrue afin de maintenir le cheval à une température confortable. Il faut également prendre en considération que le rasage interfère avec la fonction naturelle du poil, lequel est conçu pour garder le cheval au chaud ou au frais ; une fois rasé, il perd cette efficacité anatomique. Si le cheval est gardé à l’extérieur, le poil du ventre sert également de couche isolante lorsque le cheval se couche. Il faut donc éviter de raser trop hâtivement le pelage d’hiver afin d’accélérer la mue, car, même si la température ambiante de l’air est plus clémente, le sol demeure froid ou gelé plus longtemps. Une couverture imperméable, lors de froides pluies automnales ou printanières, est tout à fait justifiée, même si le cheval a une bonne épaisseur de poil d’hiver, et surtout s’il n’a pas accès à un abri. Le pelage d’hiver ne pouvant plus procurer la couche d’air isolante lorsqu’il est détrempé, il n’est pas rare que les chevaux grelottent de froid pendant ces journées froides et pluvieuses. La question à se poser serait peut-être la suivante : est-il absolument essentiel de raser ou de limiter la pousse du poil avec des couvertures plutôt que de laisser la nature altérer et adapter le pelage selon le climat, une adaptation que le cheval fait à merveille ? Vaut-il la peine de modifier le cycle et la fonction naturelle du poil et de la mue ? Il n’y a pas de réponse parfaite, et tout dépend de l’activité du cheval. L’important est que le cheval soit bien et n’ait ni trop chaud, ni trop froid. Quand arrêter de tondre le cheval au printemps ? Difficile de répondre à cette question puisque chaque saison est différente. Si le cheval a froid, les longs poils d’hiver pousseront. Il est donc préférable de diminuer graduellement l’épaisseur des couvertures jusqu’aux longues journées chaudes avant d’arrêter la tonte. Le pansage Un bon pansage quotidien a également un impact considérable sur la mue. Non seulement le cheval est soulagé des démangeaisons que causent les poils qui tombent, mais le brossage crée un effet de massage sur la peau, stimulant la circulation sanguine, ce qui est favorable à la nouvelle pousse de poils. Ce message stimule également la sécrétion d’huile, rendant le pelage plus luisant. C’est justement à cette période de l’année que le pansage a le plus grand impact sur la robe du cheval ! Les chevaux ne muent pas tous de la même façon, et plusieurs facteurs influencent la qualité du poil et de la mue, tels que la génétique, l’âge, l’état de santé (stress sur un système immunitaire déjà sollicité), ainsi que l’alimentation. Adapter l’alimentation afin de fournir l’énergie et les nutriments requis lors de cette période exigeante allégera le fardeau sur l’organisme et est l’élément-clé permettant de faciliter le processus de la mue, sans oublier qu’un bon pansage donne aussi un bon coup de pouce ! Maladie de Cushing RÉFÉRENCES :
Danny W. Scott, D.V.M., Large Animal Dermatology, W.B. Saunders Company, 1988 Ralf Mueller, D.V.M., Dermatology of the Equine Practitioner, TetonNewMedia, 2005 Sites Internet : www.thehorse.com, www.merckvetmanual.com, www.bio-strath.ch, www.melior.ch |