MARIE-CLAUDE AINEY
Marie-Claude a contracté la maladie des chevaux à l’âge de 5 ans. En 1976, elle gagnait son premier concours hippique : 40 ans plus tard, elle n’est toujours pas guérie !
À 11 ans, ses plus grands rêves étaient déjà d’écrire et de monter. Rédactrice et journaliste pour divers médias, elle navigue dans le monde équin pour interroger les gens, rapporter les faits et raconter les passions de ceux qui ont un cheval tatoué sur le coeur. |
ARTICLE PARU DANS CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - PRINTEMPS 2016 - VOL.34 NO.1
La passion en héritage
La réputation du Lanaudois Éric Chrétien n’est plus à faire : éleveur de Percherons champions, maréchal-ferrant d’un professionnalisme recherché, entraîneur et meneur d’attelage maintes fois primé, clinicien et juge. Monsieur Chrétien se soucie particulièrement de laisser des traces de sabots sur les pistes des futures générations. À la tête d’une famille soudée par la passion des chevaux, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’il constate que sa fille Vicky suit ses traces et aspire à devenir comme lui, soit un personnage riche, coloré, empreint des histoires de gars de chevaux et redessiné en version féminine et moderne. PLUSIEURS CHEVAUX POUR APPRENDRE L’avantage d’être maréchal-ferrant pour un passionné de chevaux réside dans la rencontre quotidienne avec une dizaine de chevaux différents. En cinq secondes, il doit ajuster son travail au tempérament du cheval devant lui. Aussi, pour lui, il n’y a pas de recette universelle et chaque cheval est unique. Même si sa fille ne pratique pas le même métier, l’élevage familial et, les nombreux chevaux à entraîner pour son père s’avèrent un avantage important pour la cavalière et meneuse. Autrement, comment apprendre et s’améliorer constamment ? En testant différentes solutions, et surtout, en enseignant à un apprenti. La plus grande qualité d’un bon gars à chevaux, selon Éric, c’est de toujours savoir se remettre en question sur sa façon de travailler et d’entraîner. D’ailleurs, c’est ainsi que Vicky a appris à perfectionner son approche avec les chevaux. Seule différence, c’est qu’elle apprend du meilleur mentor, son père ! Elle connaît ses méthodes et ses réflexions depuis sa plus tendre enfance etles met en pratique avec un naturel déconcertant. PERFORMANCE OU PLAISIR ? Vicky a reçu son premier poney à deux ans et elle conduisait un attelage en flèche à huit ans seulement. C’est la preuve, d’après Éric, que l’attelage n’est pas réservé aux cavaliers trop vieux ou incompétents pour monter. «Tout le monde pense que c’est facile, pourtant, l’attelage comporte des défis importants et tout aussi excitants. Atteler et mener six chevaux à la fois n’est pas donné à tout le monde. Il arrive souvent que des concurrents plutôt médiocres s’amusent bien plus en compétition que les plus performants, car ils ne sont pas aussi exigeants », soulignet-il. À ses débuts, c’était son cas. Puis, avec l’ambition, le stress et le désir de s’améliorer, la famille Chrétien avait les nerfs à vif pendant la saison de concours jusqu’à ce qu’Isabelle, en bonne mère de famille, remette les pendules à l’heure ! Après un consensus, la famille arrive maintenant sur un terrain de concours en sortant tout d’abord les chaises de la remorque, la radio, la bière et seulement à la toute fin, les chevaux ! Avec cette façon de faire, lorsque la famille Chrétien se présente sur un terrain de concours régional en dressage avec Vicky, ils stationnent la remorque à 7 h 30, le matin pour une épreuve débutant à 8 h. Mais alors comment Vicky fait-elle pour que sa monture apprivoise le nouvel environnement, le terrain et le brouhaha de ces journées intenses ? Pour tous les chevaux à l’entraînement, l’assistante officielle de son père débourre elle-même ses montures avec les principes qu’il lui a enseignés. « Mon cheval doit me faire confiance aveuglément et la seule chose qu’il doit craindre, c’est de me décevoir. S’il a peur, il se tournera vers moi afin que je le guide », confie Vicky. Saviez-vous que ... DE PÈRE EN FILLE… EN PASSANT PAR LA MÈRE !
« Avec eux, la magie opère. Ils démontrent leur aptitude par les résultats et leur attitude », explique Isabelle Marcoux, mère et épouse. Pourtant, la complice des deux champions, elle aussi meneuse, n’est pas toujours tendre et n’hésite pas à les critiquer sévèrement. « Ils se choquent, ils bougonnent, mais ils retournent travailler et règlent le problème quand même », affirmet-elle. Pour Éric, Isabelle est encore sa meilleure juge. « Tu as peut-être gagné, mais cette fois tu ne le méritais pas ! », lui a-t-elle déjà dit. Ou encore : « Tu es déçu ? Laisse ta déception sur le terrain de concours. Tu dois la vivre pour te motiver à t’améliorer. À la maison, tu ne ramènes que cette motivation, pas les regrets. » Lorsque l’on constate que plusieurs poulains de leur élevage ont été couronnés gagnants des Futurités ainsi que de plusieurs autres concours d’envergure; que Vicky s’est rendue plus d’une fois en finale aux Jeux équestres du Québec avec des résultats exceptionnels et qu’elle a même obtenu deux 3e position au 16e Congrès mondial du Percheron aux États-Unis, faisant d’elle la 1re fille et la 1re Canadienne au classement mondial, on ne peut que s’émerveiller devant cet exemple de détermination et d’excellence québécois et admirer le passage de cette passion qu’Éric laisse en héritage à Vicky. Celle-ci conclut en affirmant : « J’ignore encore si j’arriverai à gagner ma vie de cette façon, mais j’évoluerai toujours parmi les chevaux. Je fais partie d’eux autant qu’ils font partie de moi. » • |