PAR NATHALIE LABERGE, C.WR.
ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - HIVER 2017 - VOL.35 NO.4 |
La tonte, une question de contexte
Réservée d’office au cheval soumis à un entraînement intensif, la tonte est affaire de méthode et de circonstances. Son incidence sur le fonctionnement interne de l’animal comporte des contraintes considérables et requiert une vigilance accrue du soigneur. Une logistique attentive qui tient compte du contexte tant sportif que climatique, des conditions d’hébergement et des mécanismes naturels en place, est donc de rigueur. Considérations de base D’entrée de jeu, il faut déterminer le type d’entraînement envisagé et le contexte d’exécution. Dans le cadre d’un entraînement hivernal de maintien, où le cheval dispose des installations et du temps requis pour se remettre au sec avant la mise au pré, l’obligation de tondre ne se pose pas. Mais si des objectifs sportifs intenses exigent l’intervention humaine, le processus de mue et le « thermostat » interne de l’animal constituent deux éléments à considérer. Processus complexe et sensible, la thermorégulation permet au cheval de conserver une chaleur constante et le dote d’une remarquable capacité à emmagasiner la chaleur qu’il produit. Conçu pour la vie à l’extérieur, son rapport au climat diffère donc largement de celui de l’humain. La zone de confort de l’équidé oscille en effet de -10 à 15o C, alors que la nôtre se situe plutôt entre 10 et 30o C. Selon les paramètres de l’effort qu’on lui demande, le cheval se voit par conséquent sujet à des hausses rapides de température qui peuvent s’avérer difficiles à refroidir. Plusieurs facteurs agissent sur le fonctionnement de la thermorégulation, notamment le poil, et par association directe, la mue. Régie par la lumière du jour, la mue automnale s’enclenche dès que les journées raccourcissent. On ne s’étonne donc pas de voir la plupart des chevaux revêtir progressivement un manteau plus dense dès le mois d’août, période où les heures d’ensoleillement diminuent. Selon le même principe, ils commencent à se délester de leur manteau d’hiver dès février, où les journées plus longues lancent le début de la mue printanière malgré le froid qui perdure. Pour l’entraîneur, la thermorégulation et la densité de la robe amènent deux considérations cruciales, à savoir : L’hyperthermie, c’est-à-dire le risque de surchauffe qui se manifeste quand le corps produit plus de chaleur qu’il ne peut en évacuer. L’effet domino qui s’ensuit, soit la déshydratation causée par la sudation intense, provoque une perte d’énergie chez l’athlète équin, même s’il fait l’objet d’une diète impeccable. Le principe s’applique aussi en période estivale, où une tonte adaptée au type de sport pratiqué est indiquée pour un cheval appelé à travailler en continu dans un climat surpassant les 25 degrés Celsius. La logistique : En période hivernale, la tonte exige une gestion constante de la part du soigneur. Alors dépouillé de son isolant naturel, le cheval doit être couvert partiellement ou totalement, selon le contexte d’hébergement et le climat, de façon permanente. On attend par conséquent que le poil soit assez fourni, soit vers la mi-octobre ou en novembre chez nous, pour procéder à la première coupe. Le recours à une couverture légère dès les premières fraîcheurs de l’automne est réputé ralentir le processus de mue, et donc retarder la première tonte. Une perspective attrayante, considérant l’obligation de répéter l’exercice deux à trois fois au cours de l’hiver, et la nécessité qui s’impose dès lors de couvrir le cheval après l’effort. Idéalement, prévoyez trois types de couvertures, soit (i) une couverture légère ou sous-couverture ; (ii) un « cooler » pour absorber la transpiration après l’exercice, et (iii) une couverture doublée pour les jours particulièrement sibériens. Par exemple, lors des sorties au pré, idéalement aux heures les plus clémentes du jour, une couverture à sangles croisées maintient le vêtement bien en place. Par temps très froid, on y ajoute une sous-couverture de laine. Lors du retour au boxe, troquez la performante couverture doublée pour la « chemise » d’intérieur. Utilisez un vêtement adapté aux circonstances, et ne sous-estimez pas l’utilité d’en vérifier régulièrement l’état. Un bris peut causer une entrave au mouvement, voire une blessure. Une couverture souillée, trempée ou rigide de boue séchée s’avère tout aussi inefficace qu’inconfortable pour le cheval et engendre un risque d’infections cutanées. Quelques tontes en vogue
Déterminer la nécessité de tondre et la gestion applicable est une chose : choisir la coupe qui convient à ses besoins en est une autre… L’intégrale (ou tonte complète) est destinée au cheval athlète qui travaille ou concourt intensément en toutes saisons. Quoiqu’exhaustive au sens général du terme, on aura soin de réserver un ovale de poils au niveau du garrot, qui fait office de protection contre le frottement de l’équipement. La tonte de chasse : Cette tonte partielle tient compte de la protection à pourvoir aux membres exposés au choc contre divers obstacles, épines de buissons, etc. Un « amortisseur » naturel est également préservé au niveau du dos. Variation sur le même thème, la tonte en « S » : Minimaliste, elle consiste en une tonte des épaules à la façon d’un « S ». Particulièrement prisée, cette tonte moins invasive facilite « l’aération » et offre l’avantage non négligeable de garder le couvre-rein naturel en place. Le « Manteau » : tonte hivernale par excellence, pour qui peut s’accorder une certaine latitude. Cette coupe ne « déshabille » que partiellement le cheval : La tête, l’encolure, les épaules et le ventre sont rasés, alors que le dos, les reins et la croupe restent couverts. D’autres tontes partielles, notamment l’Irlandaise ou la Trace, proposent de raser une portion plus ou moins grande du poitrail et du ventre, tout en gardant la robe intacte au niveau du dos et des épaules. À l’intérieur de leurs paramètres distincts, ces tontes demeurent personnalisables selon la saison. L’expérience terrain, combinée à une observation attentive du cheval à l’effort, révèle les zones de sudation plus intense et le style de tonte qui convient aux circonstances. La méthode On ne tond pas un cheval souillé ou trempé, aussi la robe doit-elle faire l’objet d’un pansage méticuleux au préalable. Choisissez un site à l’abri des distractions et des courants d’air. La tonte en elle-même nécessitant plus ou moins deux heures, assurez-vous de disposer d’un peu plus de temps pour (re)familiariser le cheval aux différentes composantes (manipulations diverses, sensations, bruits) dont il fera l’expérience. Pour les chevaux craintifs, une initiation avec un rasoir plus petit, donc moins bruyant, facilite la transition vers le gros appareil d’usage pour une tonte corporelle intégrale. Pas certain d’obtenir le design visé ? Donnez-vous des repères ! À l’aide d’une craie, tracez sur votre cheval le contour du « patron » choisi, et délimitez avec soin la découpe des antérieurs et des postérieurs. De même, gardez à portée de main : • Une petite brosse pour nettoyer les lames et dégager le filtre à air • Un produit lubrifiant (normalement recommandé par le fabricant selon le type d’appareil) • Un chiffon pour nettoyer l’excédent d’huile • Des lames/peignes de rechange • Une rallonge électrique • Une craie • Les instructions du fabricant pour la lubrification des différentes composantes de l’appareil. • Un bandage de queue • Des gâteries ! Inspectez l’état de l’appareil et ses accessoires (lame, peignes, etc.). Vos instruments sont-ils propres et suffisamment huilés ? Un filtre à air engorgé entraîne la surchauffe hâtive de l’appareil : veillez à le nettoyer avec un chiffon doux. Vous êtes maintenant prêt à attaquer le défi ! Commencez par l’épaule et la base de l’encolure, en abordant d’abord le côté opposé à la crinière. Le truc ici consiste à natter les crins (une ou deux tresses volumineuses, nouées au centre) de façon à pouvoir déplacer la crinière en une seule masse d’un côté ou de l’autre de l’encolure. Assurez-vous de conserver une fine lisière de poils à la base des crins, pour éviter les repousses tous azimuts. Travaillez ensuite la région du cou et le poitrail. Pour une tonte rase, on procède dans le sens contraire à la pousse du poil, en superposant (ou chevauchant) les traits de coupe. Cela dit, prenez garde aux plis ! Lissez du plat de la main tout relief de peau qui pourrait gêner le travail de la lame et causer une blessure. Continuez avec le garrot, puis le dos. Pour réussir à coup sûr une coupe partielle ou de style « manteau », placez un tapis de selle dont vous tracerez le contour. Vous voilà sur une belle lancée et tout va bien ! Petit défi de parcours en vue : vous atteignez maintenant le ventre, le flanc et le nombril, zones potentiellement chatouilleuses… Restez en tout temps attentif aux réactions de l’animal, et tenez-vous hors d’atteinte d’un éventuel coup de pied. Pour la croupe et les reins, suivez méticuleusement la forme des courbes et ajustez la pression de l’appareil en conséquence. Le pourtour des membres présente invariablement quelques complexités techniques. Une certaine souplesse du poignet, maniant le rasoir à différents angles, tête première, permettra plus de précision. Montrez-vous particulièrement soigneux à la découpe de jambes, où la qualité de la coupe choisie (et ses ratées) ne manqueront pas de se révéler. Cela dit, ne vous inquiétez pas outre mesure des tonsures évidentes d’une coupe fraîchement complétée : la repousse (presque immédiate) les aura fait disparaître d’ici quelques jours. Une fois cette tonte initiale terminée, un brossage vigoureux permet de repérer les inégalités. L’astuce consiste alors à « resurfacer » sans trop appuyer, en travaillant dans le sens du poil. Employez cette méthode pour les ganaches, de même que les fanons et les poils autour et à l’intérieur des oreilles. L’instrument de travail : précautions d’usage Il faut considérer le (ou les) rasoir (s) comme un investissement, et choisir son modèle avec soin. Certains ne seront pas adaptés au travail que vous envisagez ; d’autres tendent à surchauffer rapidement ou semblent inconfortables à manier. Dans la mesure du possible, un essai avant l’acquisition guidera votre choix. Pour une tonte intégrale, vous disposez en principe d’un rasoir grande capacité pour le corps, et d’une petite tondeuse de précision pour le visage, les oreilles et autres zones délicates. La dextérité de maniement et la maitrise des angles se développent avec l’expérience. Toute fluctuation dans le mouvement ayant une incidence sur l’effet de coupe et donc, le résultat final, patience et minutie sont de mise. Prévoyez des pauses fréquentes : les lames qui « chauffent » perdent leur efficacité et causent de l’inconfort. Voyez à lubrifier l’instrument toutes les dix ou quinze minutes. La plupart des gros appareils possèdent un orifice sur le dessus, permettant d’ajouter l’huile. Appliquez également une mince couche à la base des lames, en laissant fonctionner l’appareil quelques secondes avant la reprise du travail. Surtout, pensez à enfiler au cheval une petite chemise dès l’opération terminée ! SOURCES :
https://www.horsejournals.com/horse-clipping-101Equus – La tonte des chevaux https://demivolteface.com/2011/10/21/thermoregulation-et-tonte/ http://www.thehorse.com/articles/13363/clipping-your-horses-coat Visuel de différents styles de tonte et expérience terrain : https://www.youtube.com/watch?v=dyXdZQcWlz8 Astuces de désensibilisation et contexte : https://www.youtube.com/watch?v=t7EQPsuKlOE |