POUR UN BON DÉPART DANS LA VIE
L'alimentation du poulain
de la naissance au sevrage
PAR JOSÉE LALONDE, AGR, MAJOSÉE LALONDE, AGR, MA
Dès que le poulain tant attendu vient au monde, l’éleveur attend avec fébrilité et un brin d’inquiétude que le nouveau-né déplie ses grandes jambes et se lève, passe sans problèmes le méconium et s’accroche rapidement aux tétines de maman pour profiter du riche colostrum, premier lait bourré d’antioxydants. Soupir de soulagement une fois ces trois étapes réussies !
Mais c’est par la suite que le vrai défi commence… L’alimentation du poulain durant sa croissance ayant de profondes répercussions sur son développement et sa santé une fois adulte, les décisions prises à ce stade sont d’une importance capitale. Cela étant, la croissance optimale d’un poulain n’est pas qu’une question de nutrition ; il faut tenir compte de la génétique de l’animal, de l’environnement dans lequel il vit, des soins dont il a besoin et de l’encadrement général qu’on lui fournit. Tous ces paramètres doivent obligatoirement être considérés pour obtenir les résultats souhaités. Côté nutrition, l’objectif est clair : servir au poulain une ration alimentaire complète et équilibrée qui lui permettra de se développer et de croître à un rythme modéré, mais constant, ce qui reste le meilleur moyen de prévenir l’apparition de problèmes orthopédiques de développement et des séquelles qui y sont malheureusement souvent liées. LE LAIT DE MAMAN EST-IL VRAIMENT SUFFISANT ? Au cours des premières semaines de vie du poulain, le lait de la jument comble tous ses besoins nutritionnels, pourvu que l’alimentation de maman soit optimale, incluant notamment un apport suffisant en eau, nutriment clé dans la production laitière. Durant cette période, les besoins énergétiques de la maman se rapprochent de ceux du cheval de performance. À preuve, elle peut aisément consommer le double de la quantité de concentrés comparativement à ce qu’elle mangeait en début de gestation. La jument allaitante produit en moyenne 2 à 3 % de son poids corporel en lait, une production qui culmine vers le 2e ou 3e mois, puis diminue progressivement jusqu’au sevrage. En début de vie, même si, pour imiter sa mère, le petit commence à grignoter des brindilles de foin ou d’herbe, la flore bactérienne de son système digestif fermente cette fibre avec difficulté et en retire peu de nutriments. Plusieurs mois sont nécessaires avant que la fermentation de la fibre se fasse de manière adéquate dans son gros intestin, ce qui explique d’ailleurs que les fourrages (foin et pâturage) seuls suffisent rarement à maintenir la cote de chair désirée chez le poulain. Le poulain carencé en énergie digestible (calories) se reconnaît assez facilement par son état de chair déficient (moins de 4,5 sur une échelle de 1 à 9), le plus souvent accompagné d’une « bedaine de foin » bien ronde, signe que la fibre, peu fermentée, s’y accumule. En ce qui concerne les concentrés, dès l’âge d’une douzaine de jours, le poulain, curieux et gourmand, s’intéresse déjà à ce qui se trouve dans la mangeoire de maman. Pas de soucis, pourvu que les aliments qui s’y trouvent soient de qualité et adaptés aux besoins du jeune cheval. Ce désir d’imiter sa mère habitue le poulain à consommer des aliments secs, ce dont il aura besoin une fois la production laitière de celle-ci en baisse, et permet l’adaptation de son microbiote à son futur régime alimentaire. ÉVITER LA CROISSANCE EN DENTS DE SCIE C’est vers la 10e semaine de vie du poulain que la production de lait, et sa valeur nutritionnelle, ne permettent plus de combler tous les besoins du jeune, d’autant plus si l’éleveur souhaite un rythme de croissance assez soutenu, mais contrôlé. Il doit alors intervenir rapidement sous peine d’exposer son poulain à des déséquilibres nutritionnels susceptibles de freiner son développement ou, pire, de provoquer des maladies orthopédiques de développement qu’il pourrait traîner sa vie durant. Un supplément de vitamines et minéraux, particulièrement concentré et équilibré en calcium, phosphore, cuivre, zinc et manganèse, et riche en protéines et en acides aminés essentiels, est dans la plupart des cas tout ce dont le poulain a besoin pour prévenir les carences et ainsi optimiser son développement. Une installation alimentaire à la dérobée, que seul le jeune peut atteindre, ou une petite mangeoire destinée uniquement au poulain doivent être utilisées pour s’assurer que maman ne chipe pas les aliments destinés à son rejeton. Si pour diverses raisons la lactation ne permet pas au poulain de maintenir une cote de chair minimale de 4,5, un apport énergétique supplémentaire doit être considéré et l’ajout d’une moulée formulée pour répondre aux besoins spécifiques du poulain en bas âge est nécessaire. Les principaux critères de choix d’une moulée pour poulain incluent un pourcentage de protéine et d’acides aminés élevé, un apport suffisant en minéraux majeurs et mineurs, une faible teneur en glucides, une haute qualité d’ingrédients et une digestibilité optimale, par exemple par le processus d’extrusion. La moulée servie à la jument, si elle est formulée spécifiquement pour les besoins d’allaitement, convient en général tout à fait au jeune. Une règle de base reconnue en nutrition équine suggère de donner au poulain 1 lb (454 g) de moulée par mois d’âge, par jour, ce qui signifie qu’un jeune de 4 mois pourrait par exemple consommer 4 lb (1,8 kg) de concentrés quotidiennement. Cette recommandation reste à titre indicatif puisque c’est la condition de chair de chaque individu qui détermine la quantité de moulée dont il a besoin par jour. Cela dit, il est important de reconnaître que cette règle existe et qu’elle est tout à fait appropriée dans certains cas en fonction du métabolisme du poulain et de la capacité de production laitière de la jument. La croissance du poulain doit se faire de façon modérée et continue plutôt qu’en dents de scie. Pour aider à mesurer son développement, il est important de le peser au moins une fois par mois et de surveiller de près sa condition afin de maintenir une cote de chair adéquate. Selon le rythme de croissance et l’état du poulain, la ration alimentaire doit constamment être ajustée. En plus de fournir au poulain un environnement sécuritaire et des soins de médecine préventive et de maréchalerie rigoureux, il est absolument essentiel de lui permettre d’exprimer sa vraie nature, dans un espace de jeu suffisant. Afin de développer son système squelettique, notamment la densité de ses os, le poulain a besoin de bouger, de trotter, de galoper. Le sortir quelques heures avec sa mère dans un petit enclos rond n’est pas suffisant; le priver d’exercice est la quasi-assurance de voir surgir des problèmes orthopédiques de développement. Une vie à l’extérieur, 24 heures sur 24, est idéale, mais si ce n’est pas possible, un minimum de 10 heures de sortie quotidienne doit lui être offert. Le jeune doit pouvoir profiter de suffisamment d’espace pour jouer et se développer convenablement, ce qu’il fera avec encore plus d’enthousiasme s’il est accompagné de jeunes chevaux de son âge. À l’opposé, l’exercice forcé est à proscrire, car il pourrait entraîner divers traumatismes aux articulations et plaques de croissance encore peu développées du petit. Les premiers de mois de vie ont une influence majeure sur le développement du poulain, tout comme la période de sevrage et l’alimentation post-sevrage jusqu’à 12 mois, puis jusqu’à 2 ans, l’âge où près de 90 % de sa taille adulte est déjà atteint. Durant ces 18 mois post-sevrage, la nutrition doit être constamment adaptée aux besoins du jeune qui évolue, sujet qui sera développé en détail dans la prochaine parution de Cheval Québec Magazine. Écrit en collaboration avec Blue Seal Feeds. |
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