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DROIT


Le cheval est-il responsable de ses actes ?

PAR ME BENJAMIN POIRIER
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©Sabrina Cousineau
Les chevaux et les enfants se comprennent souvent à un niveau qui échappe à la perception des adultes. Ils peuvent développer une complicité secrète rendant, par exemple, étonnamment calme un thoroughbred, d’ordinaire nerveux et réactif, ou, très délicat et attentionné, ce gros percheron généralement connu pour vous écrabouiller le pied par mégarde.

Un autre point de convergence entre les chevaux et les enfants est celui de la responsabilité civile. Le parent ou le gardien sont presque toujours responsables des gestes commis par leur enfant ou celui dont ils ont la garde 1. L’idée étant que les enfants ne sont pas doués de la raison suffisante pour discerner le bien du mal au point de les rendre personnellement responsables devant la loi.

Bien que certains propriétaires attribuent affectueusement à leur cheval une intelligence et un discernement hors du commun, heureusement la loi actuelle ne retient plus le cheval comme individuellement responsable des dommages qu’il cause. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Au Moyen-âge 2, des animaux étaient traduits en justice et mis en accusation criminelle ou poursuivis civilement. En 1479, les hannetons de Lausanne, en France, étaient excommuniés pour avoir causé la famine dans la région 3. En 1554, l’évêque de la même ville réservait un sort identique aux sangsues s’étant attaquées aux poissons. À l’époque, les bêtes étaient citées à procès et la procédure judiciaire scrupuleusement suivie avec preuve et plaidoiries contradictoires des avocats.

En nos temps modernes, le propriétaire du cheval répond des dommages causés par l’animal à un tiers ou aux biens d’un tiers 4. Dans le Code civil du Québec, la règle juridique sur la responsabilité pour les gestes de l’animal est la suivante : le propriétaire est toujours présumé responsable, face à la victime, des blessures ou dommages matériels causés par son cheval, même s’il est alors égaré ou échappé, ou sous la garde d’une autre personne (palefrenier, entraîneur, instructeur, etc.). Dans ce dernier cas de figure, soit celui où le cheval est « utilisé » ou sous le contrôle d’une autre personne ayant la garde du cheval, cette personne serait responsable avec le propriétaire pour les blessures ou dommages matériels causés à la victime. L’idée est de reléguer le débat entre le propriétaire et le gardien du cheval au second plan, puisque la victime a le droit, en tout premier lieu, d’être indemnisée sans s’embourber dans le débat factuel entre le propriétaire et le gardien. Et cela est d’autant plus souhaitable que les circonstances d’un accident impliquant un cheval se déroulent souvent en quelques secondes. Reconstruire le fil d’un événement si court est parfois très ardu.

Face à la victime, le propriétaire du cheval, même de bonne foi et sans avoir commis de faute, est toujours présumé responsable. Si le cheval était sous la garde d’un tiers, la victime possède un recours bon et valable, à la fois contre le gardien et le propriétaire. Par contre, si c’est la victime qui avait la garde du cheval, elle ne peut tenir le propriétaire responsable sans faire une démonstration de la faute du propriétaire et du lien causal direct et immédiat avec son dommage. Dans tous les cas, la victime doit être étrangère au propriétaire de telle sorte qu’il n’y ait pas de relation contractuelle entre eux. En d’autres mots, le demi-pensionnaire, s’il subit une blessure ou un dommage matériel causé par le cheval, peut poursuivre le propriétaire, mais devra faire la preuve de la faute de celui-ci.

Dans un deuxième temps, un Tribunal saisi du recours d’une victime impliquant un propriétaire et un gardien départagerait alors la responsabilité entre eux, afin de déterminer s’il y a lieu de condamner l’un ou l’autre ou les deux à la fois, selon des proportions en pourcentage, par exemple à 50/50 ou 70/30.

Ceci étant, le propriétaire et le gardien du cheval ne sont pas sans défense. Ils peuvent invoquer la force majeure, la faute de la victime ou la faute d’une autre personne. Le cas de force majeure est toujours un moyen de défense valable 5, quoique le fardeau de preuve est lourd à relever. Pour se qualifier de force majeure, l’événement ayant provoqué la réaction du cheval à la source de la blessure ou du dommage matériel doit avoir été imprévisible et irrésistible. En prenant le cheval comme exemple, le cadre de ce que constitue un comportement imprévisible a des contours fuyants. Il est vrai qu’un animal est par nature imprévisible. En revanche, il est également vrai que les réactions d’un cheval en certaines circonstances sont facilement anticipables et évitables pour n’importe qui d’expérimenté, incluant le propriétaire. Pensons aux précautions à prendre avec ce jeune cheval transporté sur un terrain de concours pour la première fois de sa vie. Ce qui constitue une situation irrésistible est le deuxième volet de l’analyse. Lorsque l’événement imprévisible survient tout de même, un cheval se cabrant ou ruant, un Tribunal cherchera à savoir si la blessure ou le dommage matériel qui allait se produire ensuite pouvait encore être évité par une manoeuvre ou un geste raisonnable. Tout est question de circonstances et de preuve.

Il existe des cas où la victime, elle-même, aurait contribué à provoquer la réaction du cheval à la source du dommage ou de la blessure 6. Dans ce cas, la victime serait responsable, en tout ou en partie, de sa propre mésaventure.

Le dernier cas de figure, et le plus complexe, est celui où plusieurs personnes ont causé ou contribué à la réaction du cheval ayant causé la blessure ou le dommage. Les règles prévoient que le Tribunal tentera de départager la part (en pourcentage) de responsabilité de chacune d’elle ou, si cela s’avère impossible, elles seront toutes tenues solidairement responsables envers la victime 7.

Dans tous les cas, la victime doit mitiger ses dommages, c’est-à-dire que la victime doit tout faire ce qui est raisonnable pour éviter l’aggravation de sa situation. Par exemple, une blessure corporelle doit être suivie d’une consultation médicale ou d’un traitement. Ceci n’est pas un moyen de défense pour repousser la responsabilité à proprement parler, mais un argument disponible pour le propriétaire ou le gardien afin de réduire le montant d’une éventuelle condamnation monétaire.

En conclusion, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » est vrai autant pour les activités avec les enfants que pour celles avec les chevaux. La sécurité est l’affaire de tous. Toute situation potentiellement dangereuse et raisonnablement prévisible doit être évitée autant que possible. Pour les autres cas, ceux où le cheval blesse et endommage par inadvertance, la police d’assurance responsabilité reste la meilleure protection contre les conséquences monétaires d’un risque imprévu qui se matérialiserait.


NOTES :
1 Art. 1459 et 1460 du Code civil du Québec.
2 David Chauvet, La personnalité juridique des animaux jugés au Moyen Âge XIIIe-XVIe siècles, L’Harmattan, 2012.
3 Georges Maheux et Georges Gauthier, Recherches sur le hanneton commun, Ministère de l’agriculture, province de Québec, 1944, p. 9.
4 Art. 1466 du Code civil du Québec.
5 Art. 1470 du Code civil du Québec.
6 Art. 1478 du Code civil du Québec.
7 Art. 1478 et 1480 du Code civil du Québec.

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