DROIT
Le cheval est vicié :
Quels sont les dommages ?
PAR ME BENJAMIN POIRIER
DROIT DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉ CIVILE MICHAUD LEBEL
DROIT DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉ CIVILE MICHAUD LEBEL
La présente chronique traite de la notion de dommages-intérêts ou, dit autrement, du type de montants pouvant être réclamés par un acheteur contre le vendeur d’un cheval vicié. Elle donne suite à la chronique La Division des petites créances : le processus expliqué parue dans l’édition d’été 2021.
Pour qu’un recours ait du succès, la partie demanderesse, ici l’acheteur d’un cheval affecté par un vice caché, doit présenter une preuve en deux volets. D’abord, le volet de la responsabilité du vendeur doit comporter tous les éléments de preuve concernant le vice du cheval au moment de la vente, la gravité du vice (rendant le cheval impropre à l’usage ou diminuant son utilité), et le caractère caché du vice. Ces éléments de preuve et les moyens de défense disponibles au vendeur sont traités en détail dans la chronique précédente.
Dans un deuxième temps, une fois le vice du cheval établi et la responsabilité du vendeur déclenchée, la partie demanderesse doit prouver : 1) le montant de ses dommages (le prix payé ou le trop payé), 2) le lien direct entre les dommages subis et le vice du cheval et 3) la connaissance du vice par le vendeur. Avant d’aller plus loin, il est important de bien identifier, à la base, le remède judiciaire recherché par l’acheteur. Est-ce que c’est une diminution du prix de vente, auquel cas la position de l’acheteur est que le cheval lui convient, mais il n’aurait pas payé un si haut prix avoir connu le vice ou, deuxième option, l’acheteur souhaite que la cour annule la vente, que le cheval soit remis au vendeur et que l’acheteur recouvre le prix de vente payé. Dans tous les cas, que la demande relève de la diminution du prix de vente ou de l’annulation de la vente, pour avoir droit à des dommages supplémentaires, l’acheteur doit établir la connaissance du vice par le vendeur, de même que la preuve de ses dommages.
Les dommages supplémentaires
Sur la question de la connaissance du vice, le Code civil du Québec aménage une présomption en faveur d’un acheteur (considéré un consommateur) contre les vendeurs dits « professionnels ». Un vendeur professionnel est une personne, physique ou morale, qui fait de la vente de chevaux sa profession ou son métier, ou encore qui possède des connaissances équines telles qu’un déséquilibre s’opère entre le vendeur et l’acheteur « ordinaire ». Cette présomption légale fait en sorte qu’un vendeur professionnel est présumé connaître le vice et sa gravité, et il est donc présumé de mauvaise
foi. La conséquence de cette présomption est que l’acheteur aura droit à des dommages, en plus de la restitution du prix de vente, en cas d’annulation, ou un remboursement correspondant au juste prix, en cas de diminution du prix de vente. En défense, le vendeur professionnel peut repousser la présomption en démontrant que le « problème » du cheval n’est pas un vice caché, mais découle d’une mauvaise utilisation du cheval par l’acheteur. Dans son appréciation de la connaissance du vice, il n’est pas exclu que la cour fasse l’examen de l’étendue des connaissances équestres de l’acheteur et de la prudence de son inspection préachat.
Dans l’évaluation des dommages, la règle d’or est qu’ils doivent être « directs et immédiats ». Les montants réclamés doivent dédommager et indemniser l’acheteur, mais ne peuvent servir à l’enrichir aux dépens du vendeur. La cour cherchera à déterminer les montants qui n’auraient pas été dépensés par l’acheteur, n’eût été le vice du cheval.
Donc, outre le prix de vente, l’acheteur d’un cheval vicié peut demander à la cour, sans garantie de les obtenir, les dommages suivants :
Pour faire la preuve des dommages, la partie demanderesse doit déposer dans le dossier de la cour, donc idéalement au moment d’instituer ses procédures judiciaires au Palais de justice, toute la documentation au soutien. La meilleure preuve demeure toujours une facture et une preuve de paiement de cette facture. Dans l’industrie équestre, les transactions en argent comptant sont encore monnaie courante. Pour cette raison, il est toujours possible de déposer un contrat de pension ou toute déclaration écrite ou témoignage d’un représentant du centre équestre, de l’entraîneur, voire du transporteur ou du maréchal-ferrant confirmant les paiements. La preuve par témoignage ou par déclaration écrite est plus risquée, car imprévisible, et plus ouverte à interprétation.
Il arrive qu’un vice se déclare ou devienne médicalement observable des semaines, des mois, ou des années après la vente. Dans ce cas de figure, la cour pourrait déduire des montants réclamés par l’acheteur ou déduire du prix de vente remboursable toute jouissance ou tout avantage que l’acheteur aurait retiré du cheval, par exemple, si l’acheteur a participé à des concours.
Autre cas de figure, celui du cheval d’école ou du cheval qui aurait autrement généré des revenus à l’acheteur. En cas d’annulation de la vente et de remise en état des parties, l’acheteur rend le cheval, supporte les frais (pension, etc.), mais conserve les revenus, par exemple, les revenus de leçons d’équitation.
Quant aux dommages moraux, tout montant accordé à ce titre serait basé sur le témoignage de l’acheteur, c’est son fardeau de preuve. Au Québec, les cours sont plutôt réticentes à octroyer des montants importants. En général, il est peu fréquent de voir des condamnations au-delà de 5 000 $, même dans les cas les plus graves. Sans exagération, l’acheteur doit expliquer ses troubles et inconvénients, ce qui peut être la perte d’une saison de concours, des heures, jours ou semaines passées à soigner un cheval blessé, une chute de cheval, etc. Le montant demandé doit correspondre à une certaine réalité subjective. Demander un montant trop important pourrait miner la crédibilité de l’acheteur.
Le calcul des dommages
Dans tous les cas, rappelons que le montant total de la réclamation ne peut dépasser 15 000 $, excluant les intérêts, pour demeurer de la compétence de la Division des petites créances de la Cour du Québec. Une réclamation entre 15 001 $ et 84 999 $ relève de la compétence de la Cour du Québec dite « régulière » et au-delà de 84 999 $, c’est la Cour supérieure du Québec qui entendra la cause.
Il est important de mentionner que toute somme à laquelle pourrait être condamné un vendeur, professionnel ou ordinaire, porte intérêt au taux légal décidé par le ministère de la Justice (environ 5 %). Une indemnité additionnelle en pourcentage peut s’ajouter au montant de la condamnation et des intérêts. Le calcul de l’intérêt légal et de l’indemnité additionnelle débute au moment de l’envoi d’une mise en demeure ou au moment de l’institution des procédures ou encore du jugement, d’où l’avantage d’envoyer une mise en demeure le plus tôt possible, dès la constatation du vice. Le site internet du Barreau du Québec possède un outil de calcul en ligne 1.
Le message à retenir
Le fardeau de présenter une preuve crédible et complète repose sur les épaules de l’acheteur. Une fois la responsabilité d’un vendeur démontrée, la tâche n’est pas terminée. L’acheteur doit prouver les montants réclamés. Ce deuxième volet de la preuve est tout aussi important et nombre de demandeurs échouent « à faire un parcours sans faute » rendu à cette étape. Une cour de justice doit rechercher activement la vérité entre deux versions contradictoires, mais ne peut suppléer aux lacunes dans la preuve. L’écrit demeure toujours la meilleure preuve des montants dépensés. Pour cette raison, nous vous invitons à utiliser des contrats de vente de cheval et de pension, dont certains modèles sont accessibles sur le site Internet de Cheval Québec 2, à préférer les paiements électroniques retraçables ou, à tout le moins, à confirmer une transaction dans un courriel.
1 https://calculateurs.jurisconcept.ca/indemnite.php
2 https://cheval.quebec/Le-Cheval-Que-savoir-avant-dacheter-un-cheval-Les-contrats
Pour qu’un recours ait du succès, la partie demanderesse, ici l’acheteur d’un cheval affecté par un vice caché, doit présenter une preuve en deux volets. D’abord, le volet de la responsabilité du vendeur doit comporter tous les éléments de preuve concernant le vice du cheval au moment de la vente, la gravité du vice (rendant le cheval impropre à l’usage ou diminuant son utilité), et le caractère caché du vice. Ces éléments de preuve et les moyens de défense disponibles au vendeur sont traités en détail dans la chronique précédente.
Dans un deuxième temps, une fois le vice du cheval établi et la responsabilité du vendeur déclenchée, la partie demanderesse doit prouver : 1) le montant de ses dommages (le prix payé ou le trop payé), 2) le lien direct entre les dommages subis et le vice du cheval et 3) la connaissance du vice par le vendeur. Avant d’aller plus loin, il est important de bien identifier, à la base, le remède judiciaire recherché par l’acheteur. Est-ce que c’est une diminution du prix de vente, auquel cas la position de l’acheteur est que le cheval lui convient, mais il n’aurait pas payé un si haut prix avoir connu le vice ou, deuxième option, l’acheteur souhaite que la cour annule la vente, que le cheval soit remis au vendeur et que l’acheteur recouvre le prix de vente payé. Dans tous les cas, que la demande relève de la diminution du prix de vente ou de l’annulation de la vente, pour avoir droit à des dommages supplémentaires, l’acheteur doit établir la connaissance du vice par le vendeur, de même que la preuve de ses dommages.
Les dommages supplémentaires
Sur la question de la connaissance du vice, le Code civil du Québec aménage une présomption en faveur d’un acheteur (considéré un consommateur) contre les vendeurs dits « professionnels ». Un vendeur professionnel est une personne, physique ou morale, qui fait de la vente de chevaux sa profession ou son métier, ou encore qui possède des connaissances équines telles qu’un déséquilibre s’opère entre le vendeur et l’acheteur « ordinaire ». Cette présomption légale fait en sorte qu’un vendeur professionnel est présumé connaître le vice et sa gravité, et il est donc présumé de mauvaise
foi. La conséquence de cette présomption est que l’acheteur aura droit à des dommages, en plus de la restitution du prix de vente, en cas d’annulation, ou un remboursement correspondant au juste prix, en cas de diminution du prix de vente. En défense, le vendeur professionnel peut repousser la présomption en démontrant que le « problème » du cheval n’est pas un vice caché, mais découle d’une mauvaise utilisation du cheval par l’acheteur. Dans son appréciation de la connaissance du vice, il n’est pas exclu que la cour fasse l’examen de l’étendue des connaissances équestres de l’acheteur et de la prudence de son inspection préachat.
Dans l’évaluation des dommages, la règle d’or est qu’ils doivent être « directs et immédiats ». Les montants réclamés doivent dédommager et indemniser l’acheteur, mais ne peuvent servir à l’enrichir aux dépens du vendeur. La cour cherchera à déterminer les montants qui n’auraient pas été dépensés par l’acheteur, n’eût été le vice du cheval.
Donc, outre le prix de vente, l’acheteur d’un cheval vicié peut demander à la cour, sans garantie de les obtenir, les dommages suivants :
- frais de l’examen vétérinaire préachat ;
- frais de transport ;
- frais de pension ;
- frais d’entraînement ;
- frais d’un concours annulé ;
- frais de maréchal-ferrant ;
- frais de soins vétérinaires ;
- dommages moraux pour les troubles et inconvénients.
Pour faire la preuve des dommages, la partie demanderesse doit déposer dans le dossier de la cour, donc idéalement au moment d’instituer ses procédures judiciaires au Palais de justice, toute la documentation au soutien. La meilleure preuve demeure toujours une facture et une preuve de paiement de cette facture. Dans l’industrie équestre, les transactions en argent comptant sont encore monnaie courante. Pour cette raison, il est toujours possible de déposer un contrat de pension ou toute déclaration écrite ou témoignage d’un représentant du centre équestre, de l’entraîneur, voire du transporteur ou du maréchal-ferrant confirmant les paiements. La preuve par témoignage ou par déclaration écrite est plus risquée, car imprévisible, et plus ouverte à interprétation.
Il arrive qu’un vice se déclare ou devienne médicalement observable des semaines, des mois, ou des années après la vente. Dans ce cas de figure, la cour pourrait déduire des montants réclamés par l’acheteur ou déduire du prix de vente remboursable toute jouissance ou tout avantage que l’acheteur aurait retiré du cheval, par exemple, si l’acheteur a participé à des concours.
Autre cas de figure, celui du cheval d’école ou du cheval qui aurait autrement généré des revenus à l’acheteur. En cas d’annulation de la vente et de remise en état des parties, l’acheteur rend le cheval, supporte les frais (pension, etc.), mais conserve les revenus, par exemple, les revenus de leçons d’équitation.
Quant aux dommages moraux, tout montant accordé à ce titre serait basé sur le témoignage de l’acheteur, c’est son fardeau de preuve. Au Québec, les cours sont plutôt réticentes à octroyer des montants importants. En général, il est peu fréquent de voir des condamnations au-delà de 5 000 $, même dans les cas les plus graves. Sans exagération, l’acheteur doit expliquer ses troubles et inconvénients, ce qui peut être la perte d’une saison de concours, des heures, jours ou semaines passées à soigner un cheval blessé, une chute de cheval, etc. Le montant demandé doit correspondre à une certaine réalité subjective. Demander un montant trop important pourrait miner la crédibilité de l’acheteur.
Le calcul des dommages
Dans tous les cas, rappelons que le montant total de la réclamation ne peut dépasser 15 000 $, excluant les intérêts, pour demeurer de la compétence de la Division des petites créances de la Cour du Québec. Une réclamation entre 15 001 $ et 84 999 $ relève de la compétence de la Cour du Québec dite « régulière » et au-delà de 84 999 $, c’est la Cour supérieure du Québec qui entendra la cause.
Il est important de mentionner que toute somme à laquelle pourrait être condamné un vendeur, professionnel ou ordinaire, porte intérêt au taux légal décidé par le ministère de la Justice (environ 5 %). Une indemnité additionnelle en pourcentage peut s’ajouter au montant de la condamnation et des intérêts. Le calcul de l’intérêt légal et de l’indemnité additionnelle débute au moment de l’envoi d’une mise en demeure ou au moment de l’institution des procédures ou encore du jugement, d’où l’avantage d’envoyer une mise en demeure le plus tôt possible, dès la constatation du vice. Le site internet du Barreau du Québec possède un outil de calcul en ligne 1.
Le message à retenir
Le fardeau de présenter une preuve crédible et complète repose sur les épaules de l’acheteur. Une fois la responsabilité d’un vendeur démontrée, la tâche n’est pas terminée. L’acheteur doit prouver les montants réclamés. Ce deuxième volet de la preuve est tout aussi important et nombre de demandeurs échouent « à faire un parcours sans faute » rendu à cette étape. Une cour de justice doit rechercher activement la vérité entre deux versions contradictoires, mais ne peut suppléer aux lacunes dans la preuve. L’écrit demeure toujours la meilleure preuve des montants dépensés. Pour cette raison, nous vous invitons à utiliser des contrats de vente de cheval et de pension, dont certains modèles sont accessibles sur le site Internet de Cheval Québec 2, à préférer les paiements électroniques retraçables ou, à tout le moins, à confirmer une transaction dans un courriel.
1 https://calculateurs.jurisconcept.ca/indemnite.php
2 https://cheval.quebec/Le-Cheval-Que-savoir-avant-dacheter-un-cheval-Les-contrats