Le transfert d'embryons pour favoriser
la carrière sportive de la jument
PAR SERGE BEAUDRY
L’avènement des nouvelles techniques de reproduction assistée mises de l’avant, depuis le début du siècle, a redonné à la jument ses lettres de noblesse. En effet, aujourd’hui, on lui attribue de 65 à 75 % de la génétique du poulain. C’est un virage à l’opposé des mentalités d’il y a 20 ans
où l’on faisait porter le fardeau de la descendance aux étalons.
La Dre Suzanne Laurence, vétérinaire, et son conjoint, Claude Allaire, spécialiste et champion de cutting, ont débuté en 2001 en ouvrant le centre de reproduction équine Trans-Bio situé dans la région de Joliette. La Dre Laurence accusait déjà 18 ans de pratique dans un centre de reproduction de bovins. Par la suite, cette dernière et son conjoint ont fait leurs premiers transferts d’embryons à partir de quatre juments de qualité reconnues pour une génétique exceptionnelle. Les premiers embryons sont nés en 2002 et quatre ans plus tard, ces chevaux se distinguaient parmi l’élite sur les circuits américains.
Ce fut le début d’une nouvelle ère annonçant le meilleur à venir pour les propriétaires d’une jument de valeur. Dorénavant, la saison de compétition de la jument ne serait plus compromise et les problèmes d’infertilité chez certaines deviendraient moins problématiques.
PAR VOIE NATURELLE
La technique consiste à récupérer l’embryon d’une jument qui a été inséminée. La collecte se fait au jour sept ou huit de la post-ovulation, par voie naturelle, à l’aide d’un cathéter inséré dans le col utérin. Un milieu de lavage préchauffé est alors envoyé par gravité dans l’utérus de la jument, puis, ce liquide est recueilli et filtré par retour de pression. De un à deux litres de ce liquide sont utilisés à chaque lavage pour un total de trois. Les derniers 75 ml de liquide sont examinés au microscope; le diamètre, la morphologie, le stade et la qualité de l’embryon sont alors évalués et classés selon une échelle de un à quatre. S’il est viable (échelle 1 et 2), il est ensuite transféré à une jument porteuse dont le cycle a été synchronisé avec la donneuse. De plus, il est possible de refroidir l’embryon à cinq degrés Celsius pour l’acheminer vers un autre centre où il devra être transplanté dans les 24 heures suivant la collecte.
Devant la possibilité d’avoir plusieurs embryons de qualité, certains protocoles de congélation ont été mis au point. La Dre Laurence nous en explique un : « La méthode consiste à déposer l’embryon dans un milieu très spécifique. Il est alors introduit dans une paille de 1/4 ml qui sera scellée. Dans un premier temps, la température sera abaissée graduellement jusqu’à moins 38 degrés Celsius, puis la paille sera plongée dans l’azote liquide à moins 200 degrés Celsius. Dans ces conditions, l’embryon peut être conservé presque indéfiniment. »
LA JUMENT RECEVEUSE
« Elle est âgée entre 3 et 12 ans, explique la Dre Fany Pairault, vétérinaire. Plus jeune, son corps est trop immature et plus âgée, des problèmes de gestation peuvent survenir. Idéalement, elle sera docile et facile à manipuler.
Toutefois, si la jument a déjà été inséminée, mais sans succès, nous en sélectionnerons une autre. De plus, il faut tenir compte de la taille de la jument receveuse pour éviter des problèmes de conformation chez le foetus. À la rigueur, la jument porteuse sera de la même taille ou plus grande que la donneuse. »
Une fois ces premières conditions rencontrées, l’équipe établit un bilan de santé en s’assurant d’avoir une cote de chair de cinq à six sur neuf. Un premier examen visuel du système reproducteur permet d’évaluer la conformation, suivi d’une palpation rectale pour s’assurer qu’il n’y a pas de masse ou de consistance anormale. Une échographie transrectale rassurera sur les constatations précédentes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de liquide dans l’utérus, signe d’une infection et que la jument n’est surtout pas déjà gestante ! De plus, des prélèvements d’échantillons de l’utérus et une cytologie décèleront des signes d’infection ou d’inflammation. Dans ce cas, la jument n’est pas écartée, mais sera traitée avant l’insémination. Habituellement, peu de juments sont rejetées à moins de sévères complications.
où l’on faisait porter le fardeau de la descendance aux étalons.
La Dre Suzanne Laurence, vétérinaire, et son conjoint, Claude Allaire, spécialiste et champion de cutting, ont débuté en 2001 en ouvrant le centre de reproduction équine Trans-Bio situé dans la région de Joliette. La Dre Laurence accusait déjà 18 ans de pratique dans un centre de reproduction de bovins. Par la suite, cette dernière et son conjoint ont fait leurs premiers transferts d’embryons à partir de quatre juments de qualité reconnues pour une génétique exceptionnelle. Les premiers embryons sont nés en 2002 et quatre ans plus tard, ces chevaux se distinguaient parmi l’élite sur les circuits américains.
Ce fut le début d’une nouvelle ère annonçant le meilleur à venir pour les propriétaires d’une jument de valeur. Dorénavant, la saison de compétition de la jument ne serait plus compromise et les problèmes d’infertilité chez certaines deviendraient moins problématiques.
PAR VOIE NATURELLE
La technique consiste à récupérer l’embryon d’une jument qui a été inséminée. La collecte se fait au jour sept ou huit de la post-ovulation, par voie naturelle, à l’aide d’un cathéter inséré dans le col utérin. Un milieu de lavage préchauffé est alors envoyé par gravité dans l’utérus de la jument, puis, ce liquide est recueilli et filtré par retour de pression. De un à deux litres de ce liquide sont utilisés à chaque lavage pour un total de trois. Les derniers 75 ml de liquide sont examinés au microscope; le diamètre, la morphologie, le stade et la qualité de l’embryon sont alors évalués et classés selon une échelle de un à quatre. S’il est viable (échelle 1 et 2), il est ensuite transféré à une jument porteuse dont le cycle a été synchronisé avec la donneuse. De plus, il est possible de refroidir l’embryon à cinq degrés Celsius pour l’acheminer vers un autre centre où il devra être transplanté dans les 24 heures suivant la collecte.
Devant la possibilité d’avoir plusieurs embryons de qualité, certains protocoles de congélation ont été mis au point. La Dre Laurence nous en explique un : « La méthode consiste à déposer l’embryon dans un milieu très spécifique. Il est alors introduit dans une paille de 1/4 ml qui sera scellée. Dans un premier temps, la température sera abaissée graduellement jusqu’à moins 38 degrés Celsius, puis la paille sera plongée dans l’azote liquide à moins 200 degrés Celsius. Dans ces conditions, l’embryon peut être conservé presque indéfiniment. »
LA JUMENT RECEVEUSE
« Elle est âgée entre 3 et 12 ans, explique la Dre Fany Pairault, vétérinaire. Plus jeune, son corps est trop immature et plus âgée, des problèmes de gestation peuvent survenir. Idéalement, elle sera docile et facile à manipuler.
Toutefois, si la jument a déjà été inséminée, mais sans succès, nous en sélectionnerons une autre. De plus, il faut tenir compte de la taille de la jument receveuse pour éviter des problèmes de conformation chez le foetus. À la rigueur, la jument porteuse sera de la même taille ou plus grande que la donneuse. »
Une fois ces premières conditions rencontrées, l’équipe établit un bilan de santé en s’assurant d’avoir une cote de chair de cinq à six sur neuf. Un premier examen visuel du système reproducteur permet d’évaluer la conformation, suivi d’une palpation rectale pour s’assurer qu’il n’y a pas de masse ou de consistance anormale. Une échographie transrectale rassurera sur les constatations précédentes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de liquide dans l’utérus, signe d’une infection et que la jument n’est surtout pas déjà gestante ! De plus, des prélèvements d’échantillons de l’utérus et une cytologie décèleront des signes d’infection ou d’inflammation. Dans ce cas, la jument n’est pas écartée, mais sera traitée avant l’insémination. Habituellement, peu de juments sont rejetées à moins de sévères complications.
Entretemps, les recherches se poursuivent et les techniques se peaufinent. C’est en partie grâce
à notre cheptel si les centres tels que Trans-Bio et la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-
Hyacinthe sont reconnus comme des chefs de file dans le domaine, et cela, sur la scène nord-
américaine. Aussi, nous pouvons en être fiers et demeurer très confiants pour l’avenir.
LE MARCHÉ AU QUÉBEC
Nous vivons depuis quelques années une conjoncture économique difficile au sein de l’industrie équine au Québec et tous les acteurs en écopent. La plupart des éleveurs doivent évoluer dans un marché local frileux. Actuellement, la majorité des chevaux négociés ici se vendent en bas de 20 000 $. Conséquemment, il devient périlleux de s’engager dans une démarche onéreuse telle que le transfert d’embryons parce que la facture risque d’être salée. Par exemple, si la semence fraîche est utilisée, le suivi comporte une échographie quotidienne. Toutefois, avec une semence congelée, le suivi est très rapproché. Aussi, l’insémination surviendra quatre à six heures après l’ovulation. Cela peut donc entraîner de nombreuses échographies aux quatre heures. De surcroit, rendu à ce stade, il peut y avoir des complications, un supplément d’examens, sans compter les frais de pension pendant le traitement.
« Mes deux expériences de transfert d’embryons se sont déroulées merveilleusement bien, confie Karyne Lord, éleveuse et propriétaire de la Ferme L.L. Warmblood. La première fois remonte à huit ans et le but était de ne pas nuire à la vie sportive de la jument. Le transfert s’est fait dans une écurie sur la Rive- Sud avec de la semence fraîche. À ce moment, le marché n’était pas difficile comme aujourd’hui. Il y a trois ans, la deuxième expérience fut à nouveau une réussite, ajoute-t-elle. Cette fois, c’était une excellente jument, mais qui avait avorté avant la fin de sa gestation. La méthode nous a permis de mettre au monde un très bel étalon. » Toutefois, madame Lord, qui a élevé 38 rejetons depuis moins de dix ans, n’entrevoit pas d’utiliser à nouveau la technique. « Les frais sont trop importants pour notre marché. Déjà, à l’heure actuelle, après avoir fait un exercice comptable rigoureux, je peux affirmer ne pas avoir perdu d’argent, mais ne pas en avoir fait. Dans ces circonstances, il reste à souhaiter que la conjoncture économique s’améliore et que j’aie à nouveau le plaisir d’utiliser cette fameuse méthode », précise-t-elle. •
Nous vivons depuis quelques années une conjoncture économique difficile au sein de l’industrie équine au Québec et tous les acteurs en écopent. La plupart des éleveurs doivent évoluer dans un marché local frileux. Actuellement, la majorité des chevaux négociés ici se vendent en bas de 20 000 $. Conséquemment, il devient périlleux de s’engager dans une démarche onéreuse telle que le transfert d’embryons parce que la facture risque d’être salée. Par exemple, si la semence fraîche est utilisée, le suivi comporte une échographie quotidienne. Toutefois, avec une semence congelée, le suivi est très rapproché. Aussi, l’insémination surviendra quatre à six heures après l’ovulation. Cela peut donc entraîner de nombreuses échographies aux quatre heures. De surcroit, rendu à ce stade, il peut y avoir des complications, un supplément d’examens, sans compter les frais de pension pendant le traitement.
« Mes deux expériences de transfert d’embryons se sont déroulées merveilleusement bien, confie Karyne Lord, éleveuse et propriétaire de la Ferme L.L. Warmblood. La première fois remonte à huit ans et le but était de ne pas nuire à la vie sportive de la jument. Le transfert s’est fait dans une écurie sur la Rive- Sud avec de la semence fraîche. À ce moment, le marché n’était pas difficile comme aujourd’hui. Il y a trois ans, la deuxième expérience fut à nouveau une réussite, ajoute-t-elle. Cette fois, c’était une excellente jument, mais qui avait avorté avant la fin de sa gestation. La méthode nous a permis de mettre au monde un très bel étalon. » Toutefois, madame Lord, qui a élevé 38 rejetons depuis moins de dix ans, n’entrevoit pas d’utiliser à nouveau la technique. « Les frais sont trop importants pour notre marché. Déjà, à l’heure actuelle, après avoir fait un exercice comptable rigoureux, je peux affirmer ne pas avoir perdu d’argent, mais ne pas en avoir fait. Dans ces circonstances, il reste à souhaiter que la conjoncture économique s’améliore et que j’aie à nouveau le plaisir d’utiliser cette fameuse méthode », précise-t-elle. •
Saviez-vous que ...
Les frais vétérinaires, uniquement pour le transfert d’embryons, s’élèvent à 4 000 $. Toutefois, à cause des
frais inhérents à la démarche, il faut compter facilement le double de ce montant avant d’avoir un poulain qui court
dans un pré.