PAR Me BENJAMIN POIRIER,
DROIT DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉ CIVILE - LAVERY ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - PRINTEMPS 2017 - VOL.35 NO.1 |
L'inspection vétérinaire préachat : l'amour n'est plus aveugle
Le vétérinaire est notre meilleur allié pour diagnostiquer et traiter tous les petits et gros « bobos » de nos chevaux. Depuis les dernières années, voire les derniers mois, le vétérinaire troque régulièrement son chapeau de médecin pour celui d’inspecteur afin de détecter les vices cachés qui pourraient affecter la santé du cheval convoité. Dans cette première chronique, nous expliquerons brièvement l’importance de l’inspection vétérinaire préachat, relativement à une transaction d’achat/vente, mais également ses incidences juridiques. Nous espérons humblement susciter des discussions parmi les membres de la communauté équestre pour tendre vers de meilleures pratiques. Malgré la modification au Code civil du Québec reconnaissant maintenant que les animaux sont doués de sensibilité, l’acheteur prudent et le vendeur consciencieux garderont froidement en tête qu’ils transigent, néanmoins, un bien meuble. Dans ce contexte, l’inspection vétérinaire préachat revêt toute son importance pour protéger les deux parties lors de la transaction. D’une part, l’acheteur souhaite avoir l’heure juste en ce qui a trait à la santé et aux capacités du cheval afin de prendre une décision éclairée avant de l’acheter. D’autre part, le vendeur tirera avantage de l’inspection vétérinaire préachat puisque les vices révélés ou fortement soupçonnés lors de l’inspection deviennent des vices apparents non couverts par la garantie légale de qualité. Un vice est un défaut physique du cheval. Nous reviendrons sur la garantie légale un peu plus loin.Certains vendeurs professionnels et éleveurs réalisent à leurs frais une inspection vétérinaire prévente ou exigent que le potentiel acheteur fasse réaliser une inspection préachat. Nous ne pouvons qu’encourager cette bonne pratique qui bénéficie finalement à tout le monde. Suivant l’inspection, le vétérinaire produira un rapport contenant ses observations sur l’état de santé du cheval, ses recommandations ou les limites médicales de son mandat. C’est lorsque les résultats de l’inspection ne sont pas à la hauteur des attentes du potentiel acheteur que survient généralement le tiraillement entre coeur et raison. Certains acheteurs laissent l’amour du nouveau cheval aveugler leur sens logique et s’engagent dans une transaction peu souhaitable dans les circonstances. Il n’y aura jamais de cheval parfait, d’un point de vue médical. L’inspection vétérinaire n’est pas un examen dont on pourra dire qu’il est réussi ou échoué. Les détails des résultats devraient être discutés avec le vétérinaire ou un entraîneur certifié, car les caractéristiques médicales du cheval révélées par l’inspection peuvent être tout à fait satisfaisantes selon les attentes de chaque type de cavaliers. Par exemple, les chevaux en fin de carrière accusent souvent un bilan de santé peu enviable, mais offrent en revanche des garanties de fiabilité et de stabilité d’humeur, tout dépendant de l’usage projeté et de l’intensité de la performance attendue. La décision d’acheter revient ultimement à l’acheteur potentiel, quoique certains vendeurs avisés préféreront se retirer de la transaction afin de trouver un cavalier mieux adapté à la condition médicale du cheval. Vaut mieux prévenir que guérir nous dit l’adage populaire, cela est d’autant plus vrai pour l’achat d’un cheval, car la découverte d’un vice invalidant après la transaction est toujours vécue comme une catastrophe pouvant consommer pensées et énergies inutilement dans un recours judiciaire souvent long et coûteux. Toute vente de chevaux est régie automatiquement par la garantie légale de qualité édictée par le Code civil du Québec, et la Loi sur la protection du consommateur lorsque le vendeur est un professionnel ou un éleveur. Avant de saisir un tribunal pour demander l’annulation de la vente et/ou un montant en dommages, l’acheteur qui croit avoir obtenu un cheval affecté d’un vice caché doit considérer les conditions générales suivantes :
Le vendeur, quant à lui, peut faire valoir comme moyens de défense l’absence d’une des conditions # 1 à 4 précédentes et d’invoquer :
Seule l’absence de la condition précédente # 5 ne permet pas au vendeur de repousser sa responsabilité, car un vendeur est toujours responsable d’un vice caché, même s’il ignorait de bonne foi la présence du vice au moment de la transaction. Pour les vendeurs professionnels et les éleveurs, la meilleure façon de se protéger contre les risques financiers liés à la vente d’un cheval vicié demeure la souscription à une assurance commerciale incluant une couverture pour le vice de produit. L’inspection préachat est essentielle, mais n’est pas une assurance tout risque, car la médecine vétérinaire ne peut garantir à elle seule la performance à l’usage du cheval. L’acheteur tirera meilleur avantage des résultats de l’inspection préachat en donnant au vétérinaire des indications claires sur ses besoins, ses capacités et ses objectifs. Durant l’inspection, le vétérinaire doit obtenir toutes les informations nécessaires pour mener à bien sa mission. Pour ce faire, l’acheteur a l’obligation légale de se renseigner auprès du vendeur afin de transmettre au vétérinaire l’historique médical et fonctionnel du cheval. Corollairement, le vendeur a l’obligation légale de dévoiler tout ce qu’il sait. L’inspection vétérinaire ne doit pas se transformer en un jeu de chat et de souris. L’Association des vétérinaires équins du Québec pourra certainement guider acheteurs et vendeurs quant aux informations pertinentes à dévoiler en vue de l’inspection. D’ailleurs, un document pourrait être disponible en ligne prochainement (http://www.laveq.com). Le rapport du vétérinaire est confidentiel et appartient à la partie qui l’a requis, généralement l’acheteur. Néanmoins, il est préférable d’autoriser le vétérinaire à transmettre les résultats à l’autre partie liée à la transaction projetée, généralement le vendeur. En somme, procéder à une inspection préachat n’est plus l’apanage réservé aux chevaux dispendieux ou de haut niveau de performance. Cette précaution élémentaire de prudence est devenue l’affaire de tous, dont le premier bénéficiaire est le cheval lui-même afin de le soumettre à des activités physiques selon sa capacité et lui donner la qualité de vie qu’il mérite. L’inspection vétérinaire préachat se situe en amont de la transaction d’achat/vente d’un cheval et favorise grandement, selon nous, un bon mariage entre cavalier et monture. Toutefois, et malgré une inspection complète et rigoureuse, si un vice devait se déclarer après la transaction, les questions entourant la garantie légale de qualité s’invitent inévitablement dans la discussion, en plus des questions médicales. Il est alors préférable de consulter rapidement un avocat, autant acheteur que vendeur, pour connaître les avenues de solutions disponibles, d’abord hors cour et ultimement devant les tribunaux. Nous aurons l’occasion de traiter plus amplement des aspects légaux des achats/ventes de chevaux lors de notre conférence du 19 mars prochain intitulée « Achetez ou vendez bien votre cheval ! » présentée dans le cadre du Congrès annuel de Cheval Québec. |