PAR KATERINE PARD, AGR.
ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - PRINTEMPS 2018 - VOL.36 NO.1 |
Moulées complètes : tous les ingrédients ne sont pas égaux !
Lors de la sélection ou de l’achat d’une moulée, il est fortement recommandé de demander la liste d’ingrédients au manufacturier puisque l’analyse garantie qui apparait sur l’étiquette du produit ne fournit malheureusement pas suffisamment de renseignements pertinents sur la nutrition offerte par ce dernier. Mais comme pour les ingrédients d’aliments trouvés en épicerie, une fois la liste en main, la majorité des propriétaires de chevaux ne s’y retrouvent pas car ils ne connaissent pas la réelle valeur de ces ingrédients. Nous allons donc tenter de vous présenter les ingrédients les plus utilisés en alimentation équine tout en démystifiant leur valeur nutritive mais également leur qualité puisque cette dernière influence significativement les résultats que vous obtiendrez avec un produit. Les ingrédients caloriques Ce sont les ingrédients dont la fonction est d’apporter des calories, donc qui feront prendre du poids, augmenteront la cote de chair, fourniront l’énergie pour travailler, respirer, etc. Il en existe 3 sources principales : le grain ou l’amidon qui est une source de sucre (exemples : avoine, orge, maïs), le gras (exemple : huile végétale) et la fibre (exemples : pulpe de betterave, foin, son). Leur efficacité n’est pas toute la même, et ces ingrédients auront un effet différent sur le cheval. Un cheval qui effectue un travail anaérobique (court et intense) aura besoin de plus de sucre qu’un cheval qui travaille de façon aérobique (long et modéré). On peut donc remarquer que par kilogramme, l’huile végétale contient 3 fois plus de calories que l’avoine, elle est donc beaucoup plus efficace que le grain pour faire prendre du poids et puisque qu’elle ne contient pas de sucre ou amidon, elle n’apporte pas de risque d’excitabilité chez le cheval.
Les grains Le traitement des grains influencera leur digestibilité. Si un grain est simplement servi rond ou cassé (à part l’avoine qui est un grain à part et qu’il faut aborder séparément), il sera très peu digestible au niveau du petit intestin, site normal de sa digestion. Ce qui n’est pas digéré sera donc envoyé dans le gros intestin, site de fermentation de la fibre. Il faut savoir que ce n’est pas directement le cheval qui digère la fibre, mais bien la population bactérienne et protozoaire qui vit dans son gros intestin. Lorsque cette population bien adaptée à digérer la fibre reçoit du grain, elle produit des gaz et de l’acide lors de la digestion de ces ingrédients qui déstabilisent le gros intestin, ce qui rend le cheval sensible aux coliques gazeuses. Voici la différence de digestibilité des grains selon leurs traitements : L’autre point à surveiller à propos des grains est leur qualité. Deux critères sont à prendre en considération :
L’huile végétale L’huile de source végétale est l’ingrédient calorique par excellence. C’est le plus concentré, et il n’apporte pas d’excitabilité. Il aide aussi à protéger l’estomac. Encore une fois, les huiles ne sont pas toutes les mêmes, et ont des efficacités différentes. Un des éléments clé à considérer dans l’évaluation d’une huile est le ratio Omega6 et Omega3. Selon la littérature, un ratio équilibré d’acide gras omega-6 : omega-3 est inférieur à 10:1 et idéalement plus près de 5:1. Par exemple, l’huile contenue dans le son de riz a un rapport Omega 6/Omega 3 de 19/1 et l’huile de soya a un rapport de 7/1, ce qui est beaucoup plus intéressant. Alors pourquoi les compagnies utilisent-elles une huile de son de riz ? La disponibilité et le coût d’un ingrédient mais également le marketing peut justifier le choix de l’ingrédient. Une autre facette repose parfois sur les difficultés liées à l’application de hauts taux d’huile dans un produit et la technologie nécessaire. Voici, en ordre, les qualités d’huiles en fonction de leur ratio Omega 6-3 : Lin > Canola > Soya > Tournesol > Maïs > Riz La fibre La fibre est l’ingrédient qui contient le moins de calories, mais ce peut être suffisant pour certains chevaux faciles à garder ronds. Le foin contient généralement entre 1,8 MCal/kg et 2,2 MCal/kg mais cette année, le foin est plutôt pauvre vu l’été pluvieux de 2017. Il a été plus difficile à faire, et a souvent été fauché un peu trop mature. Il existe aussi d’autres sources de fibres, comme celles utilisées par les compagnies dans les moulées. En voici quelques exemples : Plus le ratio lignine/NDF est élevé, moins la fibre est digestible. C’est pour cela que la pulpe de betterave et les écales de soya sont appelées « superfibres ». Elles sont les plus digestibles.
La protéine Avant de parler de protéine brute, un concept qui ne veut pas dire grand chose, nous devons parler d’acides aminés, qui sont les composantes de la protéine. Une protéine est une chaine d’acides aminés, dont certains peuvent être fabriqués par le cheval et d’autres doivent provenir de l’alimentation. On appelle ces derniers acides aminés limitants. Imaginez les protéines comme des phrases, et les acides aminés comme les lettres de l’alphabet : les non-limitants sont les consonnes et les limitants sont les voyelles. S’il vous manque de A et de E, vous aurez bien de la difficulté à former des phrases ! C’est la même chose pour la protéine ; même si vous avez beaucoup de protéine brute, s’il vous manque un acide aminé limitant, les autres ne serviront pas à grand-chose… Il faut donc rechercher une qualité de protéine avant tout et non un pourcentage sur une étiquette. Les acides aminés les plus limitants sont la lysine et la méthionine, et on peut les retrouver dans l’ordre dans le tourteau de soya et le gluten de maïs. Il est aussi possible de simplement ajouter des acides aminés à une moulée ou un supplément. La meilleure façon de savoir si notre moulée en contient, c’est de vérifier la liste d’ingrédients et de chercher la lysine et la méthionine (les deux acides aminés les plus limitants), car ces données ne se retrouvent pas sur l’étiquette d’analyse garantie. Les minéraux et vitamines Les vitamines et minéraux sont essentiels à la nutrition du cheval pour 3 raisons majeures :
Les minéraux Il existe 2 grandes familles de minéraux : les macros-éléments, qui sont servis en grande quantité, et les oligoéléments, aussi appelés minéraux traces, qui sont présents en petite quantité : Les macros éléments sont généralement de source minérale, alors que certains oligos éléments peuvent être servis sous forme chélatés, ce qui les rend plus assimilables. Le plus souvent ces éléments (cuivre, zinc et manganèse) sont entourés de méthionine, un acide aminé souffré. Le même concept existe pour le sélénium, qui se retrouvera sous la forme d’une levure de sélénium. Tous les minéraux sont nécessaires pour la santé du cheval, mais pourquoi parle-t-on autant du sélénium ? Parce qu’une trop grande carence peut mener à la mort de l’animal. Les poulains dont les mères ont manqué de sélénium peuvent mourir dans les 24 à 48 heures suivant leur naissance de la maladie du muscle blanc, et les adultes carencés sur une longue période peuvent en mourir aussi. Puisque nos sols n’en contiennent pas, la seule façon de leur en servir est de donner une moulée complète et/ou un supplément. Les besoins en sélénium d’un cheval adulte de 500 kg varient entre 1 mg/jour et 5 mg/jour.
Les vitamines
Les vitamines se divisent en deux grandes catégories : les hydrosolubles (solubles dans l’eau) et les liposolubles (solubles dans les graisses). Les vitamines hydrosolubles (vitamines du complexe B et la vitamine C) ne peuvent pas être toxiques car le surplus est éliminé dans l’urine. Par contre les vitamines liposolubles (vitamines A, D, E et K) peuvent devenir toxiques car elles s’accumulent dans les graisses et le foie. Malheureusement, les gens sont souvent portés à acheter un produit parce qu’il contient beaucoup de vitamine A et D en pensant que ce produit sera meilleur, mais si ces vitamines sont trop élevées par rapport au reste des nutriments, cela peut nous limiter dans la quantité à servir avant d’atteindre la toxicité. Elles sont toutes essentielles, et sont généralement déjà balancées dans un supplément ou une moulée complète. Voici un petit résumé de ce qu’elles apportent : Et les sous-produits animaux ?
Il est légal d’utiliser des sous-produits animaux (farine de sang, farine de plume, gras animal, etc.) dans l’alimentation des chevaux au Canada. Comme le cheval est un herbivore, il n’est pas adapté à digérer ce genre de protéine. Vous conviendrez qu’en nature, le cheval ne mange pas de viande ! Il est donc intéressant de demander encore une fois la liste d’ingrédients, car ces produits peuvent être utilisés pour augmenter à faible coût la protéine brute et les calories, bien qu’ils ne soient pas utilisés couramment. |