PAR NATHALIE LABERGE, C.WR.
ARTICLE PARU DANS
CHEVAL QUÉBEC MAGAZINE - PRINTEMPS 2018 - VOL.36 NO.1 |
Le pâturage en espace restreint : un potentiel à exploiter
Ressource renouvelable par excellence, un pâturage de qualité représente sans contredit l’un des meilleurs atouts du gestionnaire d’écurie. À la fois parc d’exercice et aliment vivant, un pré bien tenu est affaire de rentabilité et de saines pratiques environnementales. Ici, la santé équine et celle du portefeuille trouvent un terrain d’entente. Les règles d’or Dans un contexte d’aménagement réaliste, tout emplacement peut devenir un pâturage potentiel. C’est une question de ratio superficie/occupants et de gestion avisée de l’espace. À titre de repère, un pâturage « modèle » de bonne qualité alimentaire et faisant l’objet d’un entretien soigné, supporte environ 1 500 kg à l’hectare (2,5 acres), soit en moyenne trois chevaux. Il reste possible de ramener l’exercice à une échelle plus modeste, en utilisant une parcelle de grandeur et de valeur nutritive moindres. Il s’agit alors de compenser les carences par un apport nutritif additionnel et une gestion serrée des ressources en place. Une fois l’emplacement trouvé, il vous faut : • Vérifier l’absence d’objets, trous, terriers, ou autres irrégularités du terrain ; • Prévoir l’accès à l’eau et un abri (naturel ou construit) ; • Un système de clôture configuré en vue d’un usage évolutif de l’espace ; • Un programme de lutte antiparasitaire ; • Un échéancier d’entretien favorisant une rentabilité maximale sur l’ensemble du territoire. Pour un départ canon : faites analyser votre sol Un échantillon prélevé à une profondeur d’environ 15 cm (6 po) permet d’en établir les composantes (acidité, teneur en minéraux, potentiel nutritif), donc de déterminer ce qui poussera le mieux dans cette parcelle. Une perspective intéressante, puisque la qualité du sol a une incidence directe sur le rendement fourrager. Par exemple, des légumineuses comme le trèfle préfèrent un sol riche en calcium, mais faible en acidité. Un pré trop acide favorise quant à lui la prolifération des chardons (mauvaises herbes), qui doivent être éliminés. L’exercice est plus simple qu’il n’y paraît, et des ressources facilement accessibles vous soutiendront dans cette démarche. Une liste des laboratoires agréés en analyse des sols pour les différents secteurs du Québec est disponible via le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, au http://www.ceaeq.gouv. qc.ca/accreditation/PALA/lla01.htm. Ce service est également offert par les fournisseurs d’engrais commerciaux, qui peuvent vous conseiller quant au produit le mieux adapté à vos conditions, et au meilleur moment de l’épandre. Appétence et valeur nutritive : les semis chouchous Au naturel, un champ propose plusieurs espèces de plantes différentes, incluant des zones dites de « refus », que les chevaux adoptent comme site de déjection. En revanche, le pré conçu de main d’homme contient généralement un mélange de graminées et de légumineuses visant à fournir un fourrage abondant. L’étude du comportement équin démontre que tout comme l’humain, le cheval apprécie la variété et manifeste certaines préférences. D’un point de vue logistique, le gestionnaire d’exploitation équestre aussi… Au nombre des favoris, citons le raygrass anglais, qui résiste au piétinement et peut être ressemé annuellement. Le trèfle Ladino, une légumineuse robuste, de même que le mil et le pâturin conviennent habituellement à tous les types de chevaux. Les graminées comme le dactyle et le brome, bien que ce dernier soit un peu plus difficile à établir, offrent une valeur nutritive élevée. Prisés pour leur commodité d’implantation, certains mélanges « prédosés » de mil, de lotier et de trèfle éliminent en partie le défi stratégique. À cet égard, n’hésitez pas à solliciter le conseil d’un agronome1 et d’un consultant en nutrition équine, qui sauront vous recommander les semis les mieux adaptés aux conditions de votre pré et aux besoins particuliers des animaux qui y paissent. Semer, ce n’est pas sorcier S’il vous est possible de le faire, l’épandage de chaux permet d’assainir le sol et de réduire sa teneur en acidité. Un semis en fin d’été (mi-août à miseptembre) assure le développement viable des jeunes plants avant les premières gelées. Ils peuvent être également implantés au printemps (mi-mai), où dès que le risque de gel est écarté. Idéalement, le sol doit être hersé au préalable pour un enracinement optimal. Un centimètre de profondeur suffit : le semis peut à la rigueur s’effectuer à la volée. Si le choix des espèces végétales demeure certes prépondérant, la valeur nutritive globale d’un pâturage dépend de plusieurs éléments, notamment les différents stades de végétation et la météo. Pluies abondantes, sécheresse, gel tardif ou surexploitation résultant d’une mauvaise gestion des effectifs sont autant de facteurs susceptibles d’affecter la performance du pré. Rotation 101
Dans l’optique de maintenir la rentabilité alimentaire du pré et de préserver la ressource à long terme, l’impératif premier vise à éviter la surexploitation. On verra donc à établir un ratio superficie-occupants efficace et à instaurer un système de rotations. Outre l’avantage de favoriser une trame racinaire plus vigoureuse, cette approche contribue à limiter le piétinement excessif et accessoirement, la prolifération des mauvaises herbes et l’incidence de boue. Ici, quelques possibilités s’offrent aux propriétaires de petits espaces. Aucune méthode ne relève toutefois d’une science exacte, et la logistique s’avère plus ou moins exigeante selon le cas. Diviser le pâturage en parcelles (ou enclos) Ce système consiste à retirer les chevaux d’un pré avant qu’il ne soit totalement rasé pour les déplacer à une parcelle adjacente, et ainsi permettre une repousse satisfaisante (idéalement autour de 15 cm). La durée des retraits est sujette aux aléas de la météo, qui influent sur le temps nécessaire à la repousse. Tenant compte des conditions climatiques, on alloue généralement une vingtaine de jours au printemps, 30-40 jours en début d’été et quelques 50 jours à l’automne. Le broutage intensif À ne pas confondre avec le surpâturage, cette solution de rechange en espace restreint consiste à permettre un broutage intense sur une courte période. Dans un contexte où le nombre de chevaux excède le ratio superficie-occupants optimal, cette méthode sous-entend le retrait des chevaux à intervalles fréquents afin d’éviter l’épuisement du pré. Dans des conditions favorables à une repousse rapide, il devient possible de fonctionner sous les deux acres par cheval. Une gestion de rotation serrée et l’acquisition d’un système de clôture amovible (électrique ou ruban polymère) simplifient la logistique. Le souffre-douleur… Selon le type de rotation préconisée et la surface broutable disponible, l’évacuation du pré en « rénovation » nécessite parfois le relogement des occupants vers un site de fortune. Les animaux sont alors concentrés en nombre sur une petite surface « sacrifiée » pour le bien de la cause. Le site souffre-douleur ou zone sacrifice sera idéalement exempt de boue ou au minimum, drainé adéquatement. On y aménage un approvisionnement en eau, un bloc de sel et un abri pouvant accommoder l’ensemble des expropriés. Une distribution de fourrage suffisante aux besoins des occupants, disposée en hauteur et protégée des intempéries, doit être assurée en tout temps. Le fumier au pré C’est un incontournable : un cheval de 454 kg (1 000 lbs) produit au quotidien 20 à 25 kg de crottins. Véritable engrais naturel, le fumier de cheval contient plusieurs éléments, notamment du phosphore, de l’azote, du potassium, du magnésium et naturellement, des coliformes fécaux. La question de la place du fumier dans la valorisation du pâturage s’impose, et le mode de gestion le plus rentable de la ressource elle-même. Si les opinions diffèrent quant au traitement des crottins au pré, des considérations comme la dimension de la superficie broutée, la durée d’occupation, le contrôle de la boue et l’usage possible de la matière à d’autres fins contribuent à déterminer l’intervention la plus appropriée. Certains préfèrent retirer le fumier à intervalles choisis, pour l’entreposer et ultimement le transiger à l’externe. D’autres préconisent plutôt d’en récupérer les propriétés fertilisantes naturelles. Dans cette approche, la synchronisation (le « timing ») constitue un facteur déterminant. À la faveur d’un climat chaud et sec, la méthode consiste à traiter les parcelles usées (suivant le retrait des chevaux) et à herser les matières solides. Le soleil se charge d’éradiquer les parasites, et la terre peut ensuite être ensemencée pour la prochaine rotation. Quelle que soit la formule de fertilisation employée, un programme de lutte antiparasitaire soigneux reste de mise. Un suivi attentif de l’évolution du pré, et du comportement de ses occupants, constitue le meilleur gage de rentabilité. 1 Ordre des agronomes du Québec – https://oaq.qc.ca/ RÉFÉRENCES :
http://www.omafra.gov.on.ca/french/engineer/facts/06-032.htm http://www.prairies-gnis.org/pages/chevaux.htm http://www.thehorse.com/articles/24959/managing-small-horse-pastures Régie d’écurie 3 : Aménagement des bâtiments équestres et gestion environnementale – Cheval Québec https://www.agrireseau.net/cheval/documents/alimentation%20du%20cheval.pdf |