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DROIT


Quel avenir pour une jument de concours atteinte

​du syndrome d'encensement de la tête ?

PAR ME BENJAMIN POIRIER
Michaud Lebel s.e.n.c.r.l.

Photo
©Sabrina Cousineau
Il est assez rare qu’un litige concernant un achat / vente de cheval se retrouve devant la Cour supérieure du Québec. Plus souvent qu’autrement, les montants en jeu étant de 15 000 $ et moins, la Division des petites créances de la Cour du Québec est saisie de l’affaire. Dans ce cas, le processus est allégé et les avocats sont absents.

La particularité de l’affaire judiciaire qui suit mérite que l’on s’y attarde pour plusieurs raisons. D’abord, les débats devant la Cour supérieure ont pu bénéficier de la présence des avocats pour faire ressortir tous les éléments de faits et les arguments légaux. Ce n’est pas toujours le cas devant la Division des petites créances, où une personne peut se représenter seule et omettre un détail de son témoignage qui aurait pu faire la différence. De plus, le Tribunal a rendu dans son jugement un travail d’analyse exemplaire sur tous les éléments de la réclamation et sur tous les montants réclamés par la propriétaire de la jument.

Cette décision judiciaire traitant d’une jument atteinte du syndrome d’encensement de la tête 1 est similaire à une autre affaire concernant un cheval affecté par le syndrome wobbler 2. Les deux causes sont liées en ce sens que les jugements rendus énoncent toutes les règles de droit applicables à une transaction avec un éleveur. Une vraie douche froide diront certains, car la Loi ne laisse que peu ou pas réellement de moyens de défense aux éleveurs. Nous y reviendrons. Cependant, cette décision a le mérite d’être claire en exposant les règles, les risques et les précautions à prendre.

Du côté d’un acheteur, le jugement offrira probablement du réconfort et une tranquillité d’esprit relative. Sans être un rempart contre le désastre de se retrouver avec cheval affecté d’un vice caché grave, les points tranchés par la Cour fourniront une sorte de guide pour bien naviguer lors de futures transactions d’achat de chevaux.

Les faits retenus par la Cour
Une jeune jument de trois ans non débourrée achetée directement d’une écurie d’élevage en Ontario était atteinte du syndrome de l’encensement de la tête (head shaking syndrome). Une hypersensibilité du nerf trijumeau sera retenue comme étant la cause médicale la plus probable du syndrome aux effets permanents. Cette condition, insoupçonnée au moment de l’examen préachat et de l’achat de la jument, s’est développée dès le début de l’entraînement, et est devenue cliniquement observable surtout à l’extérieur en période estivale. C’est la particularité de ce syndrome.

Le contrat d’achat contenait plusieurs stipulations qui ont été jugées inapplicables au Québec, à savoir une vente par un professionnel sans garantie légale de qualité, l’application de la loi ontarienne et la juridiction des tribunaux de l’Ontario. En d’autres mots, un vendeur professionnel, comme un éleveur, domicilié à l’extérieur de la province, mais vendant un cheval à une personne physique au Québec doit se plier aux règles québécoises et à la juridiction des tribunaux du Québec.

La preuve médicale n’explique pas la cause de l’hypersensibilité du nerf trijumeau. D’un point de vue strictement juridique, en considération du statut de l’éleveur comme « vendeur professionnel spécialisé » au sens du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur, le Tribunal
est d’avis, avec raison, que la propriétaire de la jument n’a pas à démontrer la cause du syndrome. Sa simple présence depuis la naissance de la jument, en germe (non observable), et son développement subséquent empêchant la jument de servir à l’usage projeté, ici des concours en classes de chasse, sont des preuves suffisantes.

La question de « l’usage » du cheval est intéressante. Il est toujours préférable d’indiquer dans le contrat quel est l’usage projeté, tant pour les activités envisagées que le niveau ou l’intensité. Un cavalier débutant peut très bien avoir comme objectif l’usage éventuel du cheval pour des concours de haut niveau, surtout si le cavalier prévoit conserver son cheval plusieurs années.

En défense, l’éleveur n’a pas réussi à démontrer que la condition physique limitative (encensement de la tête) prenait sa source dans un événement survenu après la vente, soit une mauvaise utilisation de la jument ou un défaut d’entretien. Dans ce contexte, la responsabilité civile de l’éleveur envers la propriétaire était engagée.

Les montants accordés
Au niveau des dommages et des montants réclamés contre l’éleveur, la propriétaire de la jument demandait l’annulation de la vente, auquel cas elle devait rendre la jument et l’éleveur devait rembourser le prix de vente (31 893,75 $) et tous les frais reliés à la transaction (29 558,22 $), soit le coût de l’examen vétérinaire préachat, les mois de pension, les frais courants de vétérinaires et du maréchal-ferrant, les frais d’examen vétérinaire pour enquêter sur le syndrome, les équipements équestres et la moulée achetés pour la jument.

Sur les autres dommages, le tribunal accordait 2 000 $ en dommages moraux (troubles, stress et inconvénients) et des dommages punitifs de 2 500 $, pour un grand total de 65 394,14 $. Le Tribunal accorde aussi un montant en dommage futur de 450 $ par mois ou 15 $ par jour, jusqu’à ce que l’éleveur reprenne possession de la jument.

À retenir
Comme mentionné précédemment, cette décision peut sembler une vraie douche froide pour les éleveurs et les vendeurs professionnels de chevaux, car la découverte subséquente d’un vice caché les met à risque sans réels moyens de défense. Mais ce n’est pas entièrement vrai.

L’acheteur d’un cheval, qualifié de consommateur, bénéficie d’une protection législative importante. C’est le choix de société qui a été fait lors de l’adoption des lois et de leur interprétation par les tribunaux.

En contrepartie, la meilleure protection disponible aux vendeurs de chevaux se situe probablement en amont de la transaction d’achat. L’acheteur
a une obligation de prudence et de diligence. Il doit examiner le cheval de manière attentive. L’examen préachat n’est pas une obligation légale, mais, selon nous, certaines circonstances le commandent. Par exemple, les chevaux de courses à la retraite, communément appelés OTTB, souvent encore très jeunes, peuvent être porteurs de séquelles difficilement observables. De manière similaire, un cheval de concours « en fin de carrière » développera certainement des limitations découlant de l’usure normale. L’achat de tels chevaux sans examen vétérinaire préachat approfondi relève de la témérité et du risque.

Au terme de l’affaire judiciaire référée plus haut, la Cour a ordonné l’annulation de la vente. La découverte d’un vice caché grave nous semble toujours un drame, voire une tragédie dans les cas les plus lourds. Au-delà des querelles monétaires des êtres humains, le principal intéressé, le cheval lui-même, est trop souvent oublié. Quel est l’avenir pour le cheval affecté par une condition médicale dégénérative ? Cette question délicate se pose et mérite réflexion, faute d’avoir une réponse évidente, puisque la loi reconnaît depuis 2015 aux animaux une sensibilité et des impératifs biologiques. Était-ce la première foulée vers une reconnaissance des droits fondamentaux des animaux ? 

Notes :
1 2022 QCCS 4399
2 2016 QCCQ 3530

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