NUTRITION
Votre cheval a-t-il besoin de vitamine E ?
PAR JOSÉE LALONDE, AGR, MA
Les propriétaires de chevaux s’intéressent de plus en plus à cette petite molécule essentielle à la santé et au bien-être de leur compagnon. Reconnue comme un puissant antioxydant, la vitamine E participe au maintien de l’intégrité des cellules et des tissus, ce qui améliore les fonctions nerveuse, musculaire, reproductrice, cardiovasculaire et immunitaire du cheval. Puisque celui-ci ne peut métaboliser la vitamine E dont il a besoin, cette dernière doit absolument provenir de son alimentation. Son apport est nécessaire à tous les stades de vie, mais la vitamine E est particulièrement importante pour le cheval de performance, la jument en fin de gestation et en lactation, et le poulain en croissance.
Le terme vitamine E est utilisé pour décrire un ensemble de molécules divisées en deux grands groupes structurellement différents : les tocophérols et les tocotriénols. En nutrition équine, la forme de vitamine E d’intérêt est l’alpha-tocophérol, plus active biologiquement. L’alpha-tocophérol peut provenir de sources synthétique (dl-alpha-tocophérol) ou naturelle (d-alpha-tocophérol), cette dernière étant plus facilement utilisée par les tissus. Les aliments commerciaux pour chevaux comportent le plus souvent un mélange de vitamine E naturelle et synthétique, bien que certains suppléments spécialisés offrent une source entièrement naturelle. Tout comme les vitamines A, D et K, la vitamine E est liposoluble; elle est absorbée dans le petit intestin et stockée principalement dans les tissus adipeux. Pour cette raison, une toxicité reste possible, mais peu probable chez le cheval. La vitamine E a plusieurs fonctions, la plus importante étant son activité antioxydante ; en d’autres mots, elle neutralise les radicaux libres, des molécules cellulaires toxiques produites naturellement durant le métabolisme de l’énergie. Lorsqu’il y a carence en vitamine E, les radicaux libres, très réactifs, s’accumulent et endommagent la cellule, parfois au point de la détruire : on parle alors de stress oxydant. Au nombre des effets délétères : le vieillissement prématuré des organes et des tissus, notamment au niveau musculaire, et la faiblesse de la réponse immunitaire. Pour contrer l’agression des radicaux libres au niveau cellulaire, l’organisme du cheval doit pouvoir compter sur une quantité suffisante et constante de vitamine E biodisponible. OPTIMISER LA SANTÉ PLUTÔT QUE PRÉVENIR UNE DÉFICIENCE La quantité de vitamine E fournie par un aliment est mesurée en unité internationale (UI). Pour le cheval adulte à l’entretien, le National Research Council (2007) recommande un apport en vitamine E de 1 UI par kg de poids corporel par jour. Pour les juments gestantes et en lactation, pour les poulains en croissance et pour les chevaux à l’exercice, le NRC recommande le double, soit 2 UI par kg de poids corporel par jour. À titre d’exemple, la ration alimentaire d’un cheval adulte de 500 kg à l’entretien doit lui fournir 500 UI de vitamine E par jour, alors que celle d’un cheval adulte de 500 kg à l’exercice doit lui apporter 1000 UI quotidiennement. Il est important de savoir que ces quantités représentent l’apport minimum dont un cheval a besoin pour prévenir une carence, et non pas l’apport nécessaire à l’optimisation de sa santé et de son bien-être. Pour cette raison, les professionnels de la nutrition équine et les vétérinaires recommandent souvent de donner une quantité de vitamine E plus importante que celles avancées par le NRC, parfois même jusqu’à trois ou quatre fois plus selon le stade de vie, l’intensité de l’exercice, l’état de santé ou la présence ou non d’une carence importante. Tant que la quantité consommée par le cheval est en deçà de l’apport maximal tolérable établi par le NRC (10 000 UI par jour pour un cheval de 500 kg), il n’y a pas lieu de s’inquiéter. PROBLÈMES DE SANTÉ LIÉS À UNE CARENCE Une carence importante se traduira forcément par l’apparition de signes cliniques plus ou moins spécifiques, mais elle peut aussi entraîner des conditions médicales sévères. Au nombre des signes cliniques potentiels d’une déficience en vitamine E :
Seule l’analyse sanguine permet de connaitre le statut du cheval en vitamine E ; une concentration sérique d’alpha-tocophérol adéquate varie de 200 à 1000 μg/dL. À propos des résultats sanguins, il n’est pas rare de voir une concentration de vitamine E sous les valeurs de référence, et ce en dépit d’un apport nutritionnel qui dépasse largement les recommandations du NRC. D’ailleurs, dans une écurie, des chevaux nourris de la même façon peuvent présenter des résultats sanguins forts différents, laissant supposer que certains individus utilisent la vitamine E de manière moins efficace. PRINCIPALES SOURCES DE VITAMINE E Un pâturage de bonne qualité et bien entretenu permet de combler les besoins du cheval en vitamine E. Toutefois, lorsque l’herbe devient mature, la vitamine E, une molécule instable à la chaleur, se dégrade et l’alimentation du cheval peut devenir déficiente. Il en va de même pour l’herbe coupée destinée au foin qui, une fois au sol, perd rapidement sa valeur nutritionnelle en vitamines. Au bout de quelques jours seulement, le foin a déjà perdu plus de 50 % de sa teneur en vitamine E et sa disponibilité, au fil des mois, continuera de diminuer, jusqu’à devenir quasiment nulle. Une supplémentation en vitamine E devient alors essentielle, que ce soit à l’aide d’un supplément complet de type compensateur, d’un supplément de vitamine E ou encore d’un supplément de vitamine E et de sélénium. Une moulée complète bien formulée, si servie en quantité suffisante par jour, permet également de combler les besoins établis par le NRC, voire plus ; la quantité à servir dépend toutefois de la cote de chair du cheval, et non de ce qu’indique l’étiquette du produit. Ajouter une source de vitamine E sans avoir au préalable évalué la ration alimentaire servie et les besoins spécifiques du cheval est risqué et peut s’avérer inutilement coûteux. Combler les besoins nutritionnels de l’animal, incluant la vitamine E, tout en maintenant l’équilibre général de la ration alimentaire, et ce en visant une cote de chair adéquate, est primordial. Outre les poulains, les chevaux à l’exercice et les chevaux reproducteurs, ceux qui sont susceptibles aux allergies, qui souffrent de problèmes métaboliques ou qui sont en convalescence vont bénéficier d’un apport supplémentaire en vitamine E. N’hésitez pas à demander l’aide d’un agronome ou vétérinaire qualifié. Écrit en collaboration avec Blue Seal |
VITAMINE E ET SÉLÉNIUM Le sélénium est un autre antioxydant essentiel au maintien de la santé du cheval. Tout comme la vitamine E, il est très souvent déficient dans la ration. Les sols du Québec étant quasiment dépourvus en sélénium, ce nutriment doit absolument faire partie d’un programme alimentaire bien équilibré, et ce toute l’année. Pour prévenir une déficience chez le cheval, le NRC recommande 1 mg par jour, mais la recherche a démontré qu’un apport de 3 mg par jour est la quantité recommandée pour optimiser sa santé. Même s’ils n’agissent pas ensemble dans l’organisme du cheval, la vitamine E et le sélénium sont complémentaires dans leur combat contre les radicaux libres et, avec la vitamine C, un autre antioxydant, ils protègent l’intégrité des cellules et renforcent la réponse immunitaire. Puisque leur apport à la ration du cheval vise un objectif similaire et que les types de chevaux qui en ont le plus besoin sont sensiblement les mêmes, le sélénium et la vitamine E sont souvent offerts ensemble, dans un supplément spécialisé. Avant d’ajouter ce type de supplément, une évaluation sérieuse des aliments qui constituent la ration alimentaire est de mise afin d’assurer au cheval une alimentation complète, sécuritaire et équilibrée. |